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Editorial : Dérive autoritaire…

Par Chokri BACCOUCHE

Décidément, le sénateur américain Joe Wilson a une dent contre la Tunisie, et il le fait savoir bruyamment. A coup de représailles politiques sans ambages ni fioritures. Dans un post publié sur son compte X, le politicien «exhorte» la Maison Blanche de «supprimer toute aide à la Tunisie dans le cadre de la révision de l’aide étrangère». Et de préciser qu’il «n’y a aucune raison pour que les contribuables américains financent ce pays. Kaïs Saïed est un dictateur haineux anti-américain qui a transformé une démocratie émergente en un Etat policier tyrannique. Trump va y remédier, a-t-il écrit en substance, visiblement très remonté au point d’oublier les règles de bienséance politique et diplomatique. En fait, le sénateur Wilson rajoute un petit grain de zèle à une décision qui a été déjà prise par la nouvelle administration US. Pour rappel, celle-ci a ordonné l’arrêt de tous les programmes d’aide étrangère américaine en cours, en attendant d’examiner s’ils sont conformes aux politiques du président Trump. Le gel en question a été décidé à l’initiative du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Marc Rubio, à la demande du locataire de la Maison Blanche qui veut conditionner cette aide à l’alignement total des pays bénéficiaires sur les positions et les intérêts des Etats-Unis.

Ah la poisse ! Nos amis américains vont nous priver de dessert les gars, juste un petit dessert en réalité, si l’on tient compte du fait que l’aide en question se limite grosso-modo à la coopération militaire. Pourquoi ce revirement alors que les deux pays sont unis par des relations historiques que d’aucuns croyaient immunisées contre ce genre de sautes d’humeur déplacées et pour le moins injustifiées? Miroir, miroir qu’est-ce qui ne tourne pas rond et pour quel mobile nos «potes» US sont-ils aussi grincheux et agressifs à notre égard? Apparemment, parce que la fière Tunisie a refusé d’emboîter le pas à certains moutons de Panurge arabes en rejetant les accords d’Abraham, le fameux deal de la honte visant la normalisation des relations entre les pays arabes et l’entité sioniste, contre des prunes. Et comme ce projet tient particulièrement à cœur au revenant président Trump, connu pour être l’un de ses plus grands artisans et sponsors, il est plutôt facile d’imaginer le reste.

Dorénavant, l’aide américaine à des pays tiers  sera conditionnée donc à l’alignement aux positions et aux intérêts étasuniens. Ceux qui veulent bénéficier de l’assistance américaine seront désormais triés sur le volet et doivent savoir à quoi il faut s’attendre. Ils vont devoir se plier en quatre pour faire tout ce qu’on leur dit, sans broncher, ni rouspéter et surtout, surtout servir, avec zèle et dévouement, les seuls intérêts des généreux donateurs américains. Et la dignité des peuples, dira-t-on ? Que va-t-on faire des questions de principe, des valeurs de justice et du droit des pays à l’autodétermination et au libre choix? Eh bien, ils n’ont qu’à en faire une compote pour Brutus. C’est ainsi que les choses marchent dan la logique –absurde - des responsables américains et c’est à prendre ou à laisser. La politique du non alignement, les valeurs de justice et tous les concepts politiques des siècles derniers visant l’établissement de relations amicales entre les pays et les peuples sont apparemment devenus obsolètes outre Atlantique où le credo en vogue actuellement a pour nom : «Ou tu es avec nous ou tu es contre nous».

Pour autant qu’on le sache, la Tunisie n’a jamais voué une haine à l’égard des Etats-Unis, comme le prétend à tort le sénateur Wilson qui pèche par trop de précipitation et peut-être aussi d’ignorance délibérée de l’histoire des relations entre les deux pays. On se permet tout de même le droit de lui reprocher sa manière gauche et irresponsable de jeter de l’huile sur le feu et d’insulter aussi bien le présent que l’avenir car sa cabale, injuste et injustifiée, est non seulement improductive mais constitue également et surtout le chemin le plus court pour porter l’estocade aux relations bilatérales séculaires. M. Wilson se trompe lourdement en fait car la menace de stopper l’aide américaine ne pourra jamais acculer la Tunisie à délaisser sa position de principe en faveur, de la justice et de la légalité internationale, ni changer quoi ou que ce soit concernant le droit légitime des Palestiniens, reconnu du reste par l’écrasante majorité de la communauté internationale, de recouvrer leur liberté et de vivre en toute sécurité dans un Etat indépendant. La Tunisie souveraine qui se considère l’amie de tous veille à établir des relations amicales avec tous les pays, fondées sur le respect et l’entente cordiale, loin des pressions inutiles qui constituent une insulte au bon sens et l’intelligence et une dérive autoritaire inacceptable et déplacée…

C.B.

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