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Editorial : Quand les droits-de-l’homme arrivent à bon «porc» …

Par Chokri Baccouche

A en croire les aveux des officiels européens, la Tunisie a bien rempli sa part du deal passé avec les pays du vieux continent en matière de lutte contre l’émigration clandestine. Le nombre de migrants qui affluent notamment sur les cotes italiennes a fortement diminué en effet ces derniers mois, et la tendance devrait se poursuivre durant la période à venir. La guerre livrée par les autorités tunisiennes contre les passeurs et les commerçants de la mort qui s’adonnent au trafic très lucratif des êtres humains, commence à donner ses fruits. Tout est bien qui finit bien ? Loin s’en faut, car les vagues de desperados ne vont pas s’arrêter pour autant du jour au lendemain. Sur un simple coup de baguette magique. Il s’agit peut-être d’un simple intermède lié à un concours de circonstance, le temps pour les candidats à l’émigration clandestine de trouver de nouvelles routes ou plutôt de nouvelles brèches susceptibles de leur permette de passer entre les mailles du filet et éviter les contrôles en mer de plus en plus draconiens et stricts. Tant que la misère, le désespoir et l’absence de perspectives continueront de prévaloir, le phénomène aura encore de beaux jours.

Sur la terre ferme, le problème de l’émigration clandestine est autrement plus ardu et dramatique. De nombreux migrants subsahariens ayant débarqué en Tunisie vivotent dans des conditions précaires. Livrés à eux-mêmes, beaucoup s’adonnent à la mendicité pour assurer leur pitance. Ce phénomène nouveau fait boule de neige et se vérifie à l’œil nu. Dans certaines artères névralgiques de la capitale ou des grandes villes du pays, il n’est pas rare de croiser des femmes subsahariennes accompagnées d’enfants en bas âge vendant des kleenex ou quémandant quelque menue monnaie. On les voit de tout temps regroupés à proximité des feux de signalisation. Le passage du voyant au rouge donne le feu vert à une véritable ruée de titis qui se déploient illico telle une nuée de moineaux, s’agrippant aux portières des voitures pour inciter leur conducteur à faire preuve de charité à leur égard. Nombre de ces enfants de la rue subsahariens sont nés en Tunisie. Leurs mamans ont été prises en charge dans les établissements hospitaliers tunisiens lors de l’accouchement. Les autorités tunisiennes font ce qu’elles peuvent pour leur venir en aide, mais il faut reconnaitre que les besoins dépassent largement les capacités du pays. Pour rappel, quelque 23 mille migrants irréguliers se trouvent actuellement en Tunisie. Selon les dernières statistiques, 7 250 migrants originaires d'Afrique subsaharienne ont bénéficié du programme de "retour volontaire" de l'Organisation internationale des migrations (OIM) en 2024, contre un peu plus de 2 250 en 2023.

 De ce qui précède, on peut dire que le dossier migratoire pose de plus en plus de problèmes et nécessite une nouvelle approche et une implication plus conséquente de toutes les parties prenantes. Force est de reconnaitre que l’Europe qui est paradoxalement la première concernée en principe par ce dossier, ne fait pas assez pour porter assistance aux migrants bloqués en Tunisie. Les responsables européens qui privilégient uniquement l’aspect sécuritaire dans leur démarche visant à lutter contre le phénomène migratoire, feignent d’ignorer les besoins des migrants en matière de santé, logement et nourriture…  Objectivement parlant, la Tunisie qui connait déjà pas mal de difficultés, ne peut supporter à elle seule cette charge supplémentaire. Par conséquent, l’Union européenne serait bien inspirée de consentir une rallonge budgétaire afin de venir en aide et d’améliorer la situation de ces migrants. Au-delà de l’aspect humanitaire, c’est une question de logique et surtout de justice.

Pour coller à l’actualité, la résolution du problème migratoire sous d’autres cieux et plus précisément aux Etats-Unis se fait à la tronçonneuse. En effet, et aussi surprenant que cela puisse paraitre, le président US Donald Trump a dit, mercredi dernier, vouloir que la prison militaire américaine de Guantanamo, normalement réservée aux détenus accusés de terrorisme, se prépare à accueillir jusqu’à 30 mille migrants sans papiers. Comment se fait-il et par quelle logique on se permet de fourguer de simples migrants, fussent-ils irréguliers, dans un univers carcéral aussi atroce et inhumain que Guantanamo ? Dans la Baie des cochons, on peut dire que les droits de l’homme, version Trump, sont arrivés à bon «porc». Les mauvais traitements et les conditions de détention extrême en option «standard», c’est-à-dire que les «clandos» et les terroristes sont logés à la même enseigne en tant qu’invités de marque d’une sorte de « démocratie de la terreur et de l’intimidation ».

Le comble dans tout cela, c’est qu’il suffit du moindre manquement ou même un simple incident impliquant des émigrés qui survient dans d’autres pays, pour que les feux des critiques et des représailles « politiques » se déclenchent contre les autorités de ces pays en un clin d’œil. Marche à l’ombre mon frère ! Les lois et les conventions internationales ne sont pas faites pour être appliquées sur un pied d’égalité par tout le monde. Elles ont été taillées sur mesure pour être imposées aux plus vulnérables. Et violées impunément par les nababs et les puissants. A part cela, tout va pour le mieux madame La Marquise…

                                                                                                                                             C.B.

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