Le premier tome du roman historique, « hajjam souk lblat », a été présenté sur ce site le 6 septembre. Il s’impose donc, d’exposer sur ce même site le second tome. Ce dernier relate la suite de cette période, douloureusement vécue par les Tunisiens et leur pays dans ses différentes régions, celle du règne de Sadek bey.
Dans son œuvre en deux tomes, ben Ammou peint une parenthèse, surement l’une des plus sombres de l’histoire de notre pays. La prouesse, que réussit fort bien l’auteur, est l’humour utilisée même dans les situations les plus névralgiques voire périlleuses.
1878- Le congrès de Berlin où s’étaient réunis l’Allemagne, la Grande Bretagne et la France, avaient déterminé le devenir de la province ottomane, la Tunisie. Dans le secret total, ces puissances dominatrices distribuaient les cartes entre elles, celle de la Tunisie avait été attribuée à la France.
L’opinion publique française, par contre, n’était pas en mesure d’entériner cette nouvelle aventure. La France était à peine sortie des conflits l’opposant à l’Allemagne. Et, l’expédition coloniale en Algérie ne parvenait pas à mâter les révoltes dans les différentes régions algériennes.
Aussi, pour cette opinion publique française, ce n’était là qu’un cadeau empoisonné offert par le chancelier Bismarck. Le nouvel Empire allemand sous la suprématie de la Prusse, en annexant l’Alsace et la Lorraine, avait créé une cause permanente de la colère des français.
Mais la France passant outre son opinion publique, appelle son consul Théodore Roustan pour des consultations. Et ce, après le simulacre de la visite officielle de Mustafa ben Smail, envoyé de Sadek bey en France. Cette visite en France était une vraie mascarade. Par contre, Roustant, de retour en Tunisie, n’avait autre en main que le redoutable projet du « traité d’amitié et de bon voisinage ». C’était là, en vérité, l’ébauche au protectorat français en Tunisie.
Une Tunisie dépoosédée, spoliée
Mustafa ben Smail, entre temps, continue à chaparder les biens de Sadek bey et à piller les fonds de l’Etat sans vergogne ni état d’âme. Sous l’emprise de son mignon, lequel s’est emparé de tous les pouvoirs, Sadek bey ne cache pas son désintéressement aux affaires de l’Etat. Il montre même de l’agacement quant aux va et vient incessants chez lui, des consuls de France, de grande Bretagne et d’Italie.
Déjà, le déficit était trop important du temps du grand vizir Mustafa Khaznadar. Il s’était entouré d’hommes connus par leur cupidité : l’homme d’affaire Mahmoud ben Ayed, le conseiller Mohamed Baccouch et le caïd Nassim Samama s’étaient évertué à aider Khaznadar à détourner le trésor de l’Etat et à piller les revenus du pays pendant trente ans. Avec la complicité du favori de Sadek bey Mustafa ben Smail, les preuves de cette déloyauté, de ces escroqueries étaient parvenues au bey. Khaznadar fut ainsi, amené à présenter sa démission.
Intrigues,maquignonnage... Usage de la force
Khair-Eddine pacha, successeur de Khaznadar, n’a pas fait long feu. Comme à l’accoutumé, derrière sa démission le favori ben Smail montrait le bout de son nez. Ce prestigieux réformateur tunisien, réfugié à Istamboul, se trouva désigné par le sultan Abdülhamid, grand vizir de la suprême porte. Il va être poursuivi par les trahisons et les attaques de l’entourage du sultan et d’Alkhidaoui Ismail d’Egypt.
Entre temps, le consul Roustan voulait coûte que coûte poursuivre son but. Il utilisait moultes conspirations en collusion, entre autres, avec Mustafa ben Smail. Mais faire plier Sadek bey s’avérait une quasi chimère. Ce dernier campait sur ses positions. Il s’opiniâtrait et refusait de signer le document du « traité de garantie et de protection ». Il jurait ses grands dieux et désavouait avec indignation le traité : « à la paix de l’âme de mes ancêtres, même si le diable lui-même essaye de m’apprivoiser et m’enjôler, jamais je ne livrerais mon pays à Roustant. Qu’il fasse comme bon lui semble. »
-1881-Le consul français n’y allait pas de main morte en vue de déstabiliser le bey. Pour se faire, il saisit le fâcheux incident intervenu suite à une amourette entre un jeune couple de deux tribus. Par malheur, ces tribus sont situées des deux côtés de la frontière algéro-tunisienne. Il fait intervenir un corps expéditionnaire français jusqu’au Kef, prétextant mater les khroumirs qui avaient franchi la frontière algérienne.
Ben Ammou va décrire avec force détails et amertume, les révoltes des populations. Le sang va couler partout, du nord au sud du pays, face à l’avancée de l’armée française. Ces forces armée, envoyés en expédition par la France, avaient atteint Tunis le 11 mai 1881. C’est ainsi, de force, que Sadek bey avait été contraint de signer le traité instaurant le protectorat français en Tunisie.
L’auteur ne manque pas, une fois encore, à faire découvrir à ses lecteurs, des pans oubliés de l’histoire. Un style d’écriture propre à ben Ammou : un humour folâtre en même temps qu’un esprit caustique. Les francophones accèdent aisément à ce récit écrit en arabe. Il pratique certes, une syntaxe simple, facile à saisir ; mais on peut déplorer quelques longueurs.
A. A. SOULA