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Tunisie : Les eaux tumultueuses - Par Soufiane Ben Farhat

Les chaleurs estivales sont au rendez-vous, les coupures d’eau aussi. C’est devenu presque une évidence incongrue. En fait, les coupures d’eau ont commencé déjà leur triste manège dans bien des villes et des régions. Les autorités compétentes ont beau affirmer et réitérer qu’elles n’ont pas encore programmé les coupures cycliques d’eau, les coupures sauvages et non annoncées n’en sont pas moins de plus en plus fréquentes. Et les protestations subséquentes aussi.

Pénuries d’eau, changements climatiques, dérèglement atmosphérique global dira-t-on. Soit, mais cela n’empêche pas de relever les anomalies structurelles. Certes, ces dernières années, la pluviométrie a été plutôt ingrate, un peu partout, du Nord au Sud du pays et d'Est en Ouest. Mais il demeure quand même un paradoxe fondamental. Notre problème c’est la conjugaison d’une absence longue de pluies et, en même temps, une quantité énorme d’eaux de pluie en un court laps de temps. Et cela pose la problématique du captage et de conservation des eaux de pluie. Des milliards de mètres cubes sont ainsi volatilisés chaque année ou tout simplement dispersés dans les oueds et la mer sans être captés.

L’eau et l’exclusion

D’ailleurs, la Tunisie est marquée par la pénurie des eaux depuis la haute antiquité. Seulement, au fil des âges, les Carthaginois, les Romains, les Byzantins, les Arabes et toutes les civilisations dont la Tunisie a été le creuset, ont développé des techniques de captage des eaux et de leur conservation et utilisation à bon escient. Témoins, l’aqueduc de Zaghouan jusqu’à Carthage long de 132 km érigé en l’an 122 de notre ère ; les bassins aghlabides de Kairouan depuis le 9e siècle ; et les techniques de conservation des eaux minutieusement décrites et prônées par le savant carthaginois Magon depuis vingt-cinq siècles. Même les familles tunisiennes ont adopté depuis des millénaires les puits de captage des eaux de pluies en vue de la consommation domestique.

Seulement, tout cela n’est plus de mise. Aujourd’hui, la carte du manque d’eau correspond à celles de la marginalisation et de l’exclusion. Toutes les régions du pays en pâtissent, sans conteste. Avec les dérèglements climatiques, le phénomène se précipite et prend de l’ampleur. Ces dernières années ont été, à bien des égards, catastrophiques à ce propos.

Bien des spécialistes et techniciens l’affirment. Avec un peu plus d’efforts en matière de captage et de conservation des eaux de pluies, la situation sera nécessairement meilleure. Ceci sans parler des conduites souterraines de la société nationale chargée de l’exploitation et de la distribution des eaux (Sonede), fortement endommagées et désuètes. D’où des pertes immenses en eau potable notamment.

Coûts faramineux, slogans trompeurs

Certains hauts responsables ne cessent de nous rebattre les oreilles avec des slogans trompeurs comme celui prétendant que l’eau ne coûte pas cher en Tunisie. D’où d’ailleurs les augmentations cycliques et acharnées du coût de l’eau potable sous nos cieux. Quand on sait que l’écrasante majorité des Tunisiens s’abreuvent d’eau minérale, il y a de quoi s’alarmer de ces prétentions insidieuses. Parce que le coût de l’eau n’est pas uniquement celui de la Sonede. Quand on sait aussi que tout a été fait pour que les Tunisiens s’orientent d’une manière obligée vers l’eau minérale, il y a motif de courroux. En effet, jusqu’à il y a dix à douze ans, l’eau potable était bonne. Certains lobbys ont tout fait pour en dégrader la teneur et la saveur. Résultat, le Tunisien a été obligé de consommer l’eau minérale, occupant en la matière le deuxième rang mondial. Suivez mon regard.

Dans notre pays, c’est le cas de le dire, rien n’est gratuit et encore moins hasardeux. En matière économique et de consommation, les lobbys et les rentiers tiennent les rênes du marché. Ils arrivent dans bien des secteurs à imposer leur diktat et leur agenda secret.

En matière d’eau, tout est à refaire. Le simple retapage et les solutions à l’emporte-pièce ne suffisent pas. A nouvelle donne stratégique, nouvelles stratégies rénovatrices.

L’endiguement contreproductif 

Se contenter d’endiguer la consommation à travers une facture trimestrielle d’eau sanctionnant les usagers moyens n’est guère la solution rêvée. Moins les gens consomment l’eau raisonnablement, plus ils s’exposent sanitairement voire même vitalement. Moins il y a d’arbres et de jardins arrosés, plus il y a canicule ressentie, souffrance et dépérissement. Élémentaire mon cher Watson.

Comme du temps des Carthaginois, des Romains, des Byzantins et des royaumes Arabes de Tunisie, nos ingénieurs doivent redoubler de génie utilitaire pour tous. Il faut sortir des sentiers battus et abandonner les idées toutes faites. L’endiguement de la consommation à lui seul est contreproductif.

En attendant des solutions coûteuses mais salvatrices tel le dessalement de l’eau de mer, il faut savoir gérer la situation actuelle. Une stratégie à court et moyen termes devrait être conçue et mise en place le plus vite. Parce que le dérèglement climatique est désormais une donne pérenne.

Il en va de notre mode de vie, du bien-être individuel et collectif et de nos agrégats économiques de base relatifs à nos modes culturaux globaux, les oliveraies, les grandes cultures céréalières et les palmiers dattiers en prime. Seule une prise de conscience immédiate de est à même de limiter les dégâts et concevoir de nouveaux créneaux porteurs.

A bon entendeur…

S.B.F.

 

 

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