Par Hassan GHEDIRI
Le billet vert est passé sous la barre symbolique de 3 dinars demeurant infranchissable pendant trois longues années. Une petite dégringolade qui aura de bonnes et de mauvaises répercussions.
Selon la Banque centrale de Tunisie, le dollar américain vaut désormais 2,99 dinars après s’être maintenu depuis avril 2022 au-dessus de 3 dinars. Le record a été atteint le 28 septembre de la même année quand le dollar s’est échangé à 3,323 dinars.
Au-delà de son aspect purement technique qui semble être, à première vue, l’apanage des experts de finances et autres dirigeants des institutions monétaires, lorsque le dollar américain dévisse, ne serait-ce que très légèrement par rapport à la monnaie nationale, cela constitue un évènement qui a de nombreuses implications économiques touchant aussi bien le porte-monnaie du citoyen lambda que les revenus des entreprises et du trésor public.
Pour mieux comprendre ce que cela signifie, nous avons fait appel à Sami Arfaoui, spécialiste des finances, pour une meilleure vulgarisation des effets de cette perte de vitesse du billet vert face au dinar tunisien. Il commence par expliquer quelques notions de base sur le fonctionnement des taux de change: «Le taux de change est tout simplement le prix d’une monnaie étrangère exprimé dans notre monnaie nationale. Lorsque ce taux baisse, comme c’est le cas aujourd’hui, cela veut dire que le dinar tunisien se renforce face au dollar. Autrement dit, avec le même montant en dinars, on peut désormais acheter un peu plus de marchandises en dollars».
Cette baisse du dollar est généralement la conséquence d’un ensemble de facteurs internationaux et locaux. Sur le plan mondial, poursuit notre interlocuteur, la devise américaine a récemment été fragilisée par les tensions commerciales et les mesures protectionnistes prises par le président Donald Trump, qui ont eu un effet de ralentissement sur le rythme des investissements. Parallèlement, les tensions géopolitiques et l’inflation mondiale, qui avaient auparavant renforcé le dollar en tant que valeur refuge, commencent à s’atténuer. Sur le plan local, il pense que la politique de gestion du change et des réserves en devises de la part de la BCT pourrait avoir contribué à soutenir le dinar.
La médaille et son revers…
Mais concrètement, qu’est-ce que cela change pour les Tunisiens? «D’un côté, c’est une bonne nouvelle pour les importateurs et les consommateurs», estime le spécialiste, car, rappelle-t-il, de nombreux produits importés par la Tunisie sont payés en dollars tels que les carburants, les matières premières, les équipements, et même certains produits de grande consommation. «Si le dollar baisse, ces produits vont automatiquement, coûter moins cher à l’Etat et aux importateurs privés, ce qui devrait à court et à moyen termes se traduire par une baisse, ou du moins un ralentissement des prix à la consommation.
En même temps, les entreprises qui achètent leurs matières premières en dollars verront aussi leurs coûts diminuer, ce qui peut améliorer leurs marges bénéficiaires et leur permettre d’investir davantage ou de maintenir les prix plus stables. «Cela pourrait également alléger, temporairement, la pression sur la balance commerciale tunisienne, qui souffre d’un déficit chronique», note notre interlocuteur.
Cette baisse peut néanmoins avoir son revers. Un dinar qui remonte la pente face au dollar rend les exportations tunisiennes plus chères et donc moins compétitives à l’étranger. Quand nos produits coûtent plus cher sur les marchés extérieurs, cela peut ralentir les ventes et impacter des secteurs stratégiques comme le textile, les produits agricoles ou le phosphate qui verront leurs revenus diminuer avec le nouveau taux de change. Pour dire que si la baisse du dollar face au dinar est de nature à offrir un répit pour les consommateurs et les importateurs dans un contexte de forte inflation, elle tend, cependant à fragiliser les exportateurs et à réduire les recettes en devises. Reste à savoir si cette tendance est durable ou passagère. Selon plusieurs analystes, un redressement du dollar est possible dans les semaines à venir.
H.G.