Il semble que l’agriculture reste le grand oublié des politiques publiques de développement en Tunisie. Malgré les nombreux défis auxquels il s’expose et les multiples exigences qu’il est appelé à remplir pour renforcer la sécurité alimentaire et consolider les équilibres économiques fondamentaux, le secteur agricole en Tunisie continue regrettablement à être relégué au second plan. Un déplorable constat que les chiffres n’arrêtent pas de confirmer. Car, tant que l’Etat manque d’honorer les innombrables engagements à soutenir un secteur souvent délaissé financièrement et à mettre en œuvre un vrai projet de développement assorti d’objectifs clairs et délimités dans le temps, l’agriculture tunisienne ne peut redevenir un moteur clé de croissance. Et parce que, généralement, les chiffres ne trompent pas, l’on peut malheureusement certifier que l’agriculture est le secteur qui ne suscite presque aucun engouement chez les investisseurs.
L’Agence de promotion de l’investissement extérieur (FIPA), qui vient de rendre compte du bilan de 2024 des IDE, fait état d’une piètre attractivité de l’agriculture tunisienne. Sur un an, seulement 0,8% des IDE globaux déclarés en Tunisie auraient servi à créer des projets agricoles. Une mauvaise performance qui reflète l’échec des politiques publiques à promouvoir l’agriculture tunisienne en tant qu’opportunité d’investissement et à créer, du même coup, une dynamique de croissance vertueuse dans un secteur essentiel pour assurer la sécurité alimentaire.
Les échecs sont le résultat d’une marginalisation complexe et multifacette. L’agriculture tunisienne, confrontée à de multiples difficultés, notamment les dérèglements climatiques, la fragmentation des terres, l’insuffisance des infrastructures et un manque d’innovation, peine à attirer l’attention des investisseurs étrangers. Le secteur reste aujourd’hui largement dominé par des pratiques traditionnelles, peu rentables et vulnérables aux aléas climatiques. Aussi, la politique agricole de la Tunisie souffre d’une gestion fragmentée et de réformes insuffisantes. Le soutien financier qui prend la forme des subventions n’est souvent pas adapté aux besoins réels des agriculteurs, et est toujours entravé par la bureaucratie.
Il faut noter que, seulement, 30% des terres cultivables sont aujourd’hui exploitées en Tunisie. Il s’agit d’un autre frein majeur à la croissance du secteur agricole et à l’attractivité pour les IDE. En effet, la Tunisie dispose d’environ 5,3 millions d’hectares de terres agricoles, dont une part importante reste sous-exploitée. En effet, les terres domaniales, qui représentent une grande partie de ce potentiel, ne sont pas suffisamment mises en valeur. Environ 2 millions d’hectares de terres domaniales sont disponibles, mais sous-valorisées. Les IDE sont capables d’introduire de nouvelles technologies agricoles et de financer les infrastructures nécessaires à la valorisation de ces terres. L’introduction de l’agriculture de précision, l’amélioration de l’irrigation et la mécanisation des exploitations pourraient augmenter considérablement la productivité de l’agriculture, renforcer l’autosuffisance alimentaire, réduire la dépendance aux importations et combler les déficits du pays. Ceci nécessite l’implémentation des réformes qui rendent le climat des affaires plus attractif aux IDE et aident à une valorisation optimale des 2 millions d’hectares de terres aujourd’hui sous- exploités.
H.G.