Par Chokri BACCOUCHE
Ils ont fui la goutte, ils sont tombés sous une gouttière: cet adage ancestral traduit les ressentiments éprouvés par les citoyens américains d’origine arabe. Traditionnellement démocrate, cette communauté a commis, en effet, une grossière erreur en votant massivement en faveur de Donald Trump. Ils s’en mordent aujourd’hui les doigts comme le confirme une enquête publiée il y a quelques jours par le magazine Politico. Le projet annoncé solennellement par le revenant président américain de prendre le contrôle de Gaza, de déporter ses habitants et de transformer l’enclave en «Côte d’Azur du Moyen-Orient» a fait l’effet d’une douche froide et d’un coup de couteau dans le dos ressentis par tous les Arabo-Américains. Choqués voire ulcérés, ces derniers se sentent floués et trahis par celui-là même qu’ils ont porté, à tort, au pinacle dans l’espoir de contribuer à la victoire d’une nouvelle administration plus juste à l’égard notamment de la Cause palestinienne. Ils en ont eu pour leurs frais et ils découvrent aujourd’hui l’étendue des dégâts causés par leurs faux calculs et leur regrettable naïveté. Ils avaient pensé que Trump allait apporter enfin la paix au Proche-Orient, mais, à leur grand regret, c’est tout le contraire qui s’est produit. On peut même dire que la situation dans la région a empiré si l’on se réfère aux dernières sorties médiatiques fracassantes et pour le moins délirantes du nouveau locataire de la Maison Blanche.
Signe d’une amère désillusion que ses membres n’arrivent pas à digérer, le groupe Americans for Trump, qui s’est démené comme un beau diable pour participer au succès de son poulain, s’est rebaptisé Arab Americans for Peace dans les heures qui ont suivi l’annonce par Trump de prendre possession de Gaza. Ce baroud d’honneur ne changera rien à l’affaire bien évidemment, le mal étant fait, mais tout porte à croire qu’il a été décidé pour sauver, tant soi peu, la face et marquer le coup pour cette communauté arabo-américaine qui a jeté finalement son dévolu sur un bien piètre cheval, dont les ruées commencent à se faire douloureusement sentir. Le mérite de cette communauté est d’avoir essayé tout de même de changer le désordre des choses, même s’il faut reconnaître qu’elle n’avait aucune chance, dès le départ, de réaliser son objectif, et pour cause ! Ce n’est un secret pour personne, en effet, la démocratie américaine est biaisée. Elle est régie par la puissance de l’argent et contrôlée de bout en bout par les groupes d’influence. Et à ce titre, les lobbies juifs y font la pluie et le beau temps. La puissance de ces groupes d’influence se vérifie tant sur le plan financier qu’au niveau politique dans la mesure où les sénateurs américains siégeant au Congres sont de confession juive, comme le prouvent les statistiques. Ceux qui ne le sont pas sont soudoyés d’une manière ou d’une autre. Si la devise du célèbre narcotrafiquant Pablo Escobar est «plata o plombo», traduire «l’argent ou le plomb», une des phrases culte que le «roi de la cocaïne» utilisait pour corrompre la police, dans le domaine politique aux Etats-Unis, on n’a pas besoin de recourir à de tels arguments persuasifs et musclés. La «plata» ouvre en effet toutes les portes du nirvana politique sans se faire prier. Ceux qui «se la jouent» intègres et incorruptibles verront, dans la plupart des cas, leur carrière écourtée. Le système dominé par les lobbies influents aura vite fait de virer ces «brebis galeuses» qui s’obstinent à nager à contre-courant. Résultat des courses: Parti démocrate ou Parti républicain, les deux formations politiques aux Etats-Unis, c’est blanc bonnet, bonnet blanc, c’est-à-dire du pareil au même. Seule la forme change mais le contenu est kif kif à quelques menus détails près, particulièrement en matière de politique étrangère concernant notamment le Moyen-Orient.
Les preuves confirmant ce constat sont d’ailleurs légion. Il suffit de se rappeler ce qu’ont fait de vraiment moche et amoral l’ancien président US démocrate, Joe Biden, et son équipe durant la guerre de Gaza et ce que compte faire son successeur républicain Donald Trump pour se rendre à cette évidence. Quand les dés sont pipés dès le départ, il ne faut pas se faire donc trop d’illusions. Les choses sont ainsi faites outre Atlantique et depuis belle lurette mais le comble c’est que les pays arabes feignent de l’ignorer et s’obstinent à frapper à une porte hermétiquement fermée, sans s’en donner pour autant les moyens de l’ouvrir d’une manière ou d’une autre. Ces moyens existent pourtant, car le monde arabo-musulman ne manque ni d’argent ni de matière grise. Ce qui lui fait défaut, c’est surtout la volonté politique, la détermination d’explorer de nouvelles voies susceptibles de le sortir de la mouise et, surtout, surtout le courage de forcer son destin. Avec le même laxisme, le même égoïsme et la même peur qui prend aux tripes ses gouvernants, il est à craindre que le monde arabe continuera, et pour longtemps, à végéter dans les bas fonds de la servitude et des désillusions.
Il est grand temps qu’il se réveille et en sursaut. C’est tout le mal qu’on lui souhaite en tout cas dans un monde marqué par la montée des incertitudes où les plus forts n’éprouvent aucun remords à écraser les plus faibles et vulnérables…
C. B.