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Les «grandes réformes» de l’éducation se font attendre : Eviter les conséquences irrémédiables de l’inaction…

Par Hassan GHEDIRI

En rencontrant son chef du gouvernement et les deux ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Saïed a mis l’accent sur des dysfonctionnements et handicaps structurels et législatifs qui accablent le système éducatif dans son intégralité. 

Le Chef de l’Etat a appelé à trouver des solutions radicales permettant d’y remédier «en attendant le démarrage des réformes globales» du système de l’éducation et de la formation professionnelle. D’aucuns croient toutefois que chaque année sans réforme aggrave les inégalités sociales et économiques. La situation du système éducatif tunisien est déjà très critique alors que les réformes annoncées en 2024, bien que prometteuses, tardent toujours à être mises en œuvre. La réforme de l’Ecole se présente, en effet, aujourd’hui comme étant l’ultime action susceptible d’empêcher la perte irréversible du capital humain de la Tunisie. Pour pouvoir relever les défis économiques et sociaux majeurs auxquels se confrontera notre pays dans les décennies à venir, une refonte en profondeur de l’éducation et un engagement fort de toutes les composantes de la société sont indispensables. Sinon, la Tunisie risque de se retrouver dans une impasse, avec des générations entières laissées pour compte.

En rencontrant, jeudi 6 février 2025, son chef du gouvernement ainsi que les deux ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Kaïs Saïed a appelé à trouver des solutions structurelles aux problèmes entravant ces deux secteurs et qui sont héritées, selon lui «des législations obsolètes». Saïed a notamment évoqué le problème du chômage des doctorants. Il a estimé que la mise en œuvre des mesures justes et équitables en faveur des titulaires de doctorats permettront de valoriser leurs compétences et aideront par le même fait à combler les besoins de plusieurs établissements d’enseignement supérieur. Une démarche qui devrait s’intégrer, selon lui, dans un programme de réforme globale du système éducatif, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Dans cette même perspective, il y a lieu de rappeler le projet annoncé au mois de novembre 2024 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et qui consiste à répertorier les doctorants sans-emploi. Une plateforme électronique devait être mise en place pour recenser tous les doctorants sans-emploi, sachant que d’après les chiffres officiels environ 70% des titulaires de doctorat en Tunisie seraient aujourd’hui au chômage. 

Inégalités

L’on doit également rappeler le projet de la réforme du système de l’éducation qui tarde toujours à être mis sur les rails. En 2023, Kaïs Saïed avait, rappelons-le, donné ses instructions pour l’organisation d’une consultation nationale électronique sur la réforme du système éducatif. L’opération s’est déroulée pendant 3 mois (du 15 septembre au 15 décembre 2023) et a vu la participation de plus de 580 mille personnes. Les résultats ont été présentés au Chef de l’Etat en février 2024, c’est-à-dire depuis un an. Aujourd’hui, on attend toujours la mise en œuvre des premières réformes.

En Tunisie, les défaillances de l’école publique émergent dès le plus jeune âge. En 2023, une étude de l’Observatoire National de l’Enfance révélait que 25% des élèves tunisiens abandonnaient l’école avant d’obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires. L’échec scolaire, la surcharge des classes, le manque de formations adéquates pour les enseignants et les infrastructures dégradées sont au cœur de cette crise. Les résultats aux tests internationaux, tels que le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA), soulignent des performances faibles des élèves tunisiens en lecture, en mathématiques et en sciences. Les inégalités entre les régions urbaines et rurales aggravent ce phénomène.

Quant à l’université tunisienne, elle fait face à de nombreux défis qui freinent son adaptation aux besoins du marché du travail. Premièrement, l’adéquation entre les formations proposées et les exigences du secteur privé reste insuffisante. De nombreux diplômés peinent à trouver un emploi correspondant à leurs compétences, faute de formation pratique et de mise à jour des programmes. Le manque de synergie entre les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises empêche la mise en place des programmes de formation adaptés aux besoins du marché, essentiels pour renforcer l’employabilité des jeunes diplômés. 

Les réformes annoncées peinent à se concrétiser et leurs retards ont un coût élevé. D’un point de vue économique, l’inefficacité du système éducatif est un frein à la compétitivité du pays. Une étude de la Banque mondiale estime que l’absence de réformes structurelles dans le secteur éducatif pourrait coûter à la Tunisie jusqu’à 2% de son PIB d’ici 2030. Cette perte de productivité se traduit par un manque de qualification des jeunes diplômés, une augmentation du chômage et une capacité limitée d’innovation et de croissance. Les jeunes tunisiens, souvent mal préparés aux exigences du marché du travail, sont poussés à chercher des opportunités à l’étranger. Cela engendre une fuite des cerveaux, aggravant encore la pénurie des compétences dans des secteurs stratégiques comme la santé, technologie et l’ingénierie. 

H. G.

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