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Editorial : Ne pas attendre que le vent change - Par Hassan GHEDIRI

La Banque mondiale croit en la capacité de la Tunisie de dynamiser le rythme de sa croissance durant cette année 2025. Ses experts pensent en effet que notre pays fera légèrement mieux qu’en 2024 et qu’un petit point de pourcentage supplémentaire lui sera fortement bénéfique. Dans un dernier rapport publié vendredi 17 janvier 2025, sur la croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, l’institution de Bretton Woods table sur un taux de croissance en Tunisie de 2,2% au cours de l’année 2025 contre une croissance annuelle qui s’est finalement établie à 1,2% en 2024. Les nouvelles prévisions ne peuvent qu’être encourageantes par ce climat d’incertitude prédominant. Elles ne peuvent toutefois masquer une réalité simple et essentielle: une croissance économique n’est point un phénomène naturel qui vient ou qui ne vient pas, mais un acquis qui se cultive et se provoque. La véritable question qui se pose pour la Tunisie aujourd’hui est celle de savoir comment elle procédera (c’est-à-dire l’Etat) pour rendre toutes les conditions favorables à la reprise promise. 

Pour commencer, il y a un constat qui est déjà clair: en 2024, la croissance a été modeste et en deçà des ambitions des acteurs économiques et de la population. Ce résultat qui laisse à désirer ne doit toutefois pas être vu comme une fatalité. Comme d’ailleurs l’affirment tous les économistes qui ont longtemps étudié la dynamique du capitalisme, la croissance économique est le produit de l’innovation, de la transformation et du renouvellement constant. Pour atteindre les 2,2% de croissance en 2025, la Tunisie doit non seulement espérer que le vent tournera en sa faveur, mais commencer par ajuster ses voiles. Les voiles sont les réformes qui ne peuvent plus continuer à être ignorées ou reportées. La question qui doit être posée aujourd’hui en Tunisie n’est pas de savoir si la «croissance viendra ou non», mais plutôt «comment elle sera arrivée». 

La Banque mondiale l’a déjà souligné à maintes reprises dans ses multiples rapports en expliquant que la croissance économique ne se décrète pas mais se construit par des réformes qui créent l’environnement propice à l’investissement, la production et la compétitivité. Pour relever ce défi, la Tunisie sait donc ce qu’elle doit faire: perfectionner les institutions, assainir le secteur public, moderniser l’administration et stimuler l’entrepreneuriat dans les secteurs clés. Mais implémenter les réformes structurelles n’a jamais été une promenade de santé. Les réformes sont un terrain miné. Ce ne sont guère des décisions faciles à prendre, étant souvent des mesures impopulaires et doucereuses. La transition énergétique, la réforme du système bancaire, la lutte contre la corruption et l’amélioration du climat des affaires sont autant de chantiers qui nécessitent une volonté politique forte. «Le plus grand obstacle à la croissance réside dans notre capacité à réformer nos institutions et à moderniser notre économie», avait un jour rappelé l’ancien président tunisien Beji Caïd Essebsi. C’est, sans conteste, le principal obstacle qu’il faut lever. Ceci dit, et pour que la croissance se matérialise, la Tunisie doit redevenir attractive. Des réformes bien ciblées dans le domaine fiscal et bancaire ne peuvent que raviver l’intérêt des investisseurs, locaux et étrangers. Il est également primordial de repenser les relations entre l’Etat et le secteur privé. Kaïs Saïed qui, une fois, a qualifié le partenariat public-privé (PPP) de «grand mensonge» assume, en tant que détenteur exclusif du pouvoir exécutif, la responsabilité de promouvoir l’implication des acteurs privés dans les politiques publiques de développement. Une meilleure implication du privé est toutefois tributaire du climat d’affaires, des infrastructures modernes, d’une administration digitalisée et des marchés transparents. Elle dépend aussi de la qualité du capital humain, fruit d’un système de formation réformé pour répondre aux besoins d’un marché en constante évolution. Les prévisions de la Banque mondiale sont donc un signal positif, mais ce signal ne doit pas être perçu comme une promesse, mais plutôt comme un appel à l’action.

H.G.

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