Nous avons sous les yeux plus qu’une biographie. Ce que nous vous soumettons est une réelle œuvre historique. Le méritede Moncef Chebbi est de nous faire vivre avec détail une époque,celle de ce que nous appelons les soixante-huitards tunisiens.
L’auteur est bel et bien historien, du moins de formation. Toutefois, à vingt ans il était habité par une chimère, embrasser le métier de<<révolutionnaire professionnel>>. Fort heureusement pour lui, sa croix de vie s’est heurtée à un grand Brahim Tobel pour l’en dissuader.
Chebbi va se placer avec nombre de ses compagnons au départ, dans une petite parcelle spatiale du grand espace occupé par l’épopée bourguibienne. Petite certes, mais ^o combien riche en évènements !
Il va également, révéler l’attitude et les opinions adoptées par la sœur Algérie, celle en particulier de feu Boumediene. L’Algérie, en ce temps, avait ouvert grand ses portes à tous les damnés,peut-être pas de toute la terre, mais ceux au moin, du Monde arabe.
Un grand mérite également de l’auteur est celui de nous rappeler, vieux et jeunes, ayant fermé les yeux ou semblent avoir oublié cette panoplie de jeunes figures d’antan et les évènements qui ont fini souvent par leur briser la vie. Leur crime n’était autre que celui d’avoir suivi l’air du temps. L’air des révolutions, des contestations et des révoltes contre l’établi. Une jeune génération qui peinait à exister. Que faire à vingt ans du temps de la montée de l’idéal communiste, de la guerre froide… ?D’autant, ils faisaient face <<aux libérateurs de la nation>>.
Chebbi a omis toute fois, le procès de 1973. Si mes souvenirs sont bons, celui de Fadhel Jaziri, Noureddine ben khedher, Ezzedine Hazgui, Souad Atallah Ayachi, Bahia Hazgui et bien d’autres. A leur libération, beaucoup d’entre eux n’ont pu accéderà leurs passeports, ni à des inscriptions aux universités ni même à un emploi. Aussi, n’ont-Ils jamais pu reprendre les études ou quitter le territoire tunisien.
Dans tous les cas, l’historien nous subjugue en seremémorantles péripéties de son évasion vers l’Algérie.
Je suis sans contestes, une bourguibienne. L’une de ces Tunisiennes qui voient en ce grand homme l’émancipateur de notre société. Vous me direz pourquoi cet appendice ? Tout bonnement, parce que feu Bourguiba avait d’obsessionnels rejets à tout un chacun ayant de près ou de loin une relation avec feu Salah Ben Youcef. Et, j’ai choisi d’évoquer avec estime, l’un d’entre eux, Brahim Tobal tendrement existant dans cet écrit.
Moncef Chabbi, en dehors de ses propres péripéties chevaleresques ; par le hasard des rencontres, au cours de son exil à Alger, a eu de solides relations d’amitié avec le grand Brahim Tobal. Le hasard, selon Albert Einstein, <<c’est Dieu qui se promène incognito>>.
Au cours du Conseil palestinien à Alger j’ai prié Farouk Kaddoumi de m’introduire auprès de ce personnage de l’histoire de notre pays, ce fut fait. La chaleur de son accueil était troublante. Je vois encore briller ses yeux et ce large sourire o combien chargé, paradoxalement, de chagrin. Professeur Fatma Azouz était avec moi, en nous serrant dans ces bras, c’est me semble-t-il, son pays, pour la victoire duquel il avait farouchement milité, qu’il serrait. Il avait choisi d’adhéré aux options de Ben Youssef, donc condamné à l’exil sa vie durant.
Il nous faut, malgré les différences des approches, nous armer d’une probité et d’une lucidité permettant le senti de la souffrance de cet exilé ayant tant aimé son pays.Un témoignage poignant relaté par le narrateur ; survolant la Tunisie dans un avion dont la destination était Tripoli, Tobal, cet homme fort, fond en larmes.Il était difficile de calmer ses sentiments nostalgiques et taire ses sanglots. Malgré la générosité de l’Algérie, il était demeuré Tunisien, le manque de la Tunisie ne l’a jamais quitté.
Fort heureusement, selon Chebbi, l’Algérie l’a accueilli avec forte sollicitude. Et ce, jusqu’à ses derniers jours ; non pas seulement la prise en charge de ses soins à Genève, Brahim Tobel avait ses entrées et l’écoute des hauts responsables de notre pays voisin.
Cet ouvrage n’est pas non plus la biographie de Brahim Tobel.Mais Moncef Chebbi chaque fois qu’ils’engouffrait dans unpérilleux bourbier si Brahim était là pour l’en dégager. Quand il lui fait comprendre son intention de ne pas reprendre les études pour devenir<<révolutionnaire de profession>> voilà ce que recevait Chebbi pour réponse de si Brahim<<c’est çà un voyou errant comme moi>>.
Moncef Chebbi, s’avère maitre pour se frayait des chemins étrangement tortueux voire dangereux. Il parvenait à instaurer des liens avec des personnages controversés. Opportun de le suivre, nous découvrons en même temps, son itinéraire, ses voyages d’un pays à l’autre.
A titre d’exemple,un Palestinien du nom de Sabri al Banna, Abou Nidhal,un homme des plus énigmatiques, des plus obscures, Chebbi réussit la prouesse d’en faire un ami.Les palestiniens de l’OLP (organisation de libération de la Palestine), me disaient qu’ils le craignaient, car très dangereux et le soupçonnaient d’être l’exécuteur de l’assassinat de Abou Iyed et Abou el Houlpour avoir été à la solde du Mossad.
Pour finir, nous avons un ouvrage de grand apport au niveau historique. Celui entre autres, d’être un excellent rappel d’un morceau de l’histoiredu mouvement estudiantin tunisien des années 70 du siècle dernier. L’auteur nous offre un écrit dans un français parfait, d’une lecture fort agréable.L’auteurmanœuvre avec les évènements historiquesintelligemment de par la succession de rebondissementsétonnamment imprévisibles.Ils méritent absolument la découverte.