Certains estiment qu’il vaut mieux feindre l’enthousiasme même de pacotille plutôt que de paraître comme des rabats-joie. Ainsi en est-il de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU de ce 25 mars 2024 en faveur d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Le rappel des dates est nécessaire. Il s’agit bien de la première résolution du Conseil de sécurité pour un cessez-le-feu au bout de plus de 170 jours du génocide perpétré systématiquement et impunément par la soldatesque israélienne contre les civils palestiniens.
Autrement dit, cela aurait dû intervenir il y a plus de cinq mois, lorsque le génocide a commencé et a été reconnu comme tel par tous, exceptés bien évidemment les pays occidentaux, États-Unis d’Amérique en tête.
Et ce, malgré les multiples résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies, malgré les sentences de la Cour Internationale de Justice, malgré les rapports onusiens et des opérateurs et intervenants avec diverses casquettes sur le terrain. Sans parler bien évidemment des centaines de millions de personnes qui ont manifesté un peu partout dans le monde, et dans les pays occidentaux en prime, exprimant leur refus de ce génocide en temps réel et à huis clos.
La sale besogne au-delà de l’absurde
Lors du vote de la résolution au cours duquel les États-Unis s’étaient abstenus, on a bien applaudi dans la salle. Ce qui n’est guère fréquent au Conseil de sécurité particulièrement. Oui, mais au-delà de l’anecdote, qu’en est-il pratiquement ? Si les Palestiniens et le Hamas se sont empressés de saluer la résolution, les dirigeants israéliens en revanche l’ont stigmatisée et ont fait savoir qu’ils ne s’y plieront guère. Et ils poursuivent leur œuvre destructrice sans égards pour ladite résolution, et encore moins les états d’âmes effarouchées de maints dirigeants du monde dit libre.
Ayant une espèce de sauf-conduit tantôt tacite tantôt explicite, les Israéliens savent de quoi cela retourne. Au début, croyant pouvoir broyer Gaza et les Palestiniens en un tournemain, ils avaient sollicité deux à trois semaines des États-Unis d'Amérique et des pays occidentaux. A les en croire, l’objectif de leur expédition militaire serait atteint en quelques jours. En vérité, il s’agissait d’un triple objectif : détruire la résistance palestinienne et lui substituer un gouvernement ou des administrateurs croupions, neutraliser le labyrinthe de tunnels souterrains qui s’étendent sur plus de 500 km dans les profondeurs de Gaza et libérer les centaines d’otages israéliens aux mains des combattants du Hamas et d’autres factions de la résistance.
Cependant, piétinant et subissant de lourdes pertes, l’armée d’occupation israélienne n’a guère réussi à réaliser ne fut-ce qu’un seul de ces trois objectifs. Elle s’est rabattue alors sur les représailles et le nettoyage ethnique véritablement génocidaires des populations civiles palestiniennes. Jusqu’ici près de 33 mille Palestiniens ont été tués et on estime à plus de 12 mille ceux dont les dépouilles sont encore ensevelies sous les décombres et à plus de 75 mille le nombre de blessés.
Pour arriver à ce bilan tragique, encore que provisoire, le gouvernement du tristement célèbre Benjamin Netanyahou a dû solliciter une rallonge de deux mois auprès de ses alliés et mentors occidentaux, États-Unis en tête. Puis une autre rallonge, puis une autre. En fin de compte, les Américains, pris à partie par l’opinion internationale et l’écrasante majorité de l’opinion américaine proprement dite, ont donné le feu vert à Netanyahou et à ses soldats ivres de vengeance et de sang jusqu’au début du ramadan. Des dates-butoir réitérées et extensibles en vue d’accomplir la sale besogne au-delà de l’absurde en somme.
Les cadavres dans le placard de l’Occident
Si cette guerre a permis aux multitudes généralement trompées et flouées à tout bout de champ de comprendre quelque chose, elle aura permis de saisir la portée de l’ordure occidentale lancée à la face de l’humanité.
Aujourd’hui, la soi-disant humanité bien pensante occidentale nord-atlantique traîne bien des cadavres dans son placard. D’abord, il y a les notions fourre-tout telles celles de “nations civilisées”, de “monde libre”, de “pays démocratiques”, de “modèle à suivre”. Des concepts globalisants et réducteurs en sus de bien d’autres constructions idéologiques relevant des rapports de force iniques et dominateurs et de la logomachie verbeuse et filandreuse plutôt que d’autre chose.
Il faut savoir qu’un peu partout dans le monde il y a désormais une conscience vive internationale ouvertement anti-occidentale et anti-israélienne. La collusion entre les politiques impérialistes et l’existence même d'Israël est devenue manifeste. D’ailleurs, il y a une sympathie universelle désormais pour la Palestine et la cause palestinienne. Et même la solution dite des deux États ne convainc plus personne. Aux yeux de l’opinion mondiale, il y a désormais la Palestine et les droits inaliénables et imprescriptibles de son peuple.
Mais il est fort à parier qu’il y a encore d’autres cadavres dans le placard de l’Occident. Au premier chef, tout le système de la légalité internationale érigé au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, le Conseil de sécurité de l’ONU en premier lieu. Avec le réveil de l’ours russe, du dragon chinois, des pays du BRICS et le retour en force du Sud global, il y a fort à parier que les choses changeront sous peu. Et même si de pareilles institutions subsisteraient encore un peu, elles sont désormais discréditées et subissent une profonde crise de légitimité -et d’utilité- auprès de l’opinion commune aux quatre coins de la planète.
Disons-le sans ambages. Dans un futur proche on parlera volontiers de “feu le regretté Conseil de sécurité”. Rien n’est éternel et ce qui est injuste et inique est promptement destiné à disparaître. Parce que, malgré tout, l’histoire a un sens. Et ses sentences sourdes sont irrépressibles.
S.B.F