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Les criquets pèlerins aux portes du désert tunisien : Une menace réelle à ne pas sous-estimer

Par Hassan GHEDIRI

L’histoire de la Tunisie est marquée par plusieurs épisodes d’invasions de criquets pèlerins qui ont pris au dépourvu les autorités et fait beaucoup de ravages.

La Tunisie, comme d’autres pays du Sahel et d’Afrique du Nord, est actuellement confrontée à une recrudescence de la menace des criquets pèlerins. Récemment, de petits groupes de ces insectes ravageurs ont été signalés dans la région de Dhehiba, dans le gouvernorat de Tataouine, arrivés grâce à des vents favorables en provenance du sud. Bien que les autorités agricoles aient jugé que ces groupes ne constituaient pas encore un danger immédiat, la situation reste préoccupante. En effet, les conditions climatiques et écologiques actuelles, marquées par une pluviométrie abondante et une végétation verdoyante dans plusieurs régions du sud, créent un environnement propice à la reproduction et à la prolifération des criquets pèlerins. 

Les criquets pèlerins sont connus pour leur capacité à se multiplier rapidement et à former des essaims dévastateurs, capables de détruire des récoltes entières en quelques heures. Bien que les autorités tunisiennes aient assuré que la situation est «sous contrôle», il est crucial de ne pas sous-estimer le risque. Les conditions actuelles, très favorables à la reproduction des criquets, pourraient rapidement transformer une situation gérable en une crise majeure. Les précipitations abondantes enregistrées ces derniers mois dans le sud du pays ont permis le développement d’une végétation dense, offrant à la fois de la nourriture et des zones de reproduction idéales pour ces insectes. Si l’Etat tarde à consacrer les fonds nécessaires et à déployer les ressources humaines et matérielles adéquates pour contenir ce fléau, les conséquences pourraient être désastreuses pour l’agriculture tunisienne, déjà fragilisée par les défis économiques et climatiques.

Consciente des enjeux, la Commission nationale de vigilance et de lutte contre les criquets pèlerins s’est réunie au début de la semaine pour établir des scénarios d’évolution de la situation et définir les mesures nécessaires. Le ministère de l’Agriculture, en charge de la prévention et de la lutte contre les ravageurs agricoles, a ainsi annoncé avoir mobilisé des équipes de spécialistes pour surveiller les zones à risque et suivre les mouvements des criquets. Il dit également avoir consacré des pulvérisateurs et des pesticides pour intervenir rapidement en cas de besoin. Ces mesures préventives sont essentielles pour éviter une invasion à grande échelle. Reste que l’utilisation massive des pesticides ne laisse pas les nappes phréatiques indemnes… C’est l’une des raisons pour lesquelles les spécialistes de la FAO insistent beaucoup sur la gestion préventive du phénomène. Au mois de janvier dernier, une responsable de la direction générale de la santé végétale et du contrôle des intrants agricoles, au ministère de l’Agriculture, avait exclu la possibilité de voir la Tunisie envahie par les criquets pèlerins et ce malgré le signalement à partir du mois d’octobre 2024 des essaims dans des régions du sud de la  Libye. La même responsable avait jugé que la Tunisie est à l’abri de cette menace et ce au vu, selon elle, des «conditions climatiques et écologiques défavorables».

Une leçon d’histoire

La lutte contre les criquets pèlerins ne peut en effet se limiter à des actions réactives. Elle doit s’inscrire dans une stratégie à long terme, incluant une surveillance continue, une coopération régionale renforcée et une sensibilisation des agriculteurs aux signes avant-coureurs d’une infestation. La Tunisie doit tirer les leçons des expériences passées pour mieux se préparer à affronter cette menace récurrente. En effet, la Tunisie a été plusieurs fois confrontée à ce ravageur particulièrement nuisible à travers de nombreux épisodes d’invasions qui ont fait des ravages. L’invasion la plus marquée remonte à 1988, Dans un rapport du FAO diffusé en 1989 par la Commission de lutte contre le criquet pèlerin du Nord-Ouest, l’on écrit que « la situation acridienne en Tunisie a été signalée calme jusqu’à la fin de l’année 1987, mais à partir de 1988, le pays a subi une invasion sans précédent dans les annales des invasions acridiennes tant par son ampleur que par sa soudaineté». 

Cette leçon d’histoire rappelle comment les criquets pèlerins ne sont pas une menace à prendre à la légère. Leur capacité à se reproduire rapidement et à parcourir de longues distances en fait un ennemi redoutable pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. La Tunisie doit donc rester en alerte et renforcer ses dispositifs de prévention et de lutte pour éviter une nouvelle catastrophe. Les conditions actuelles, favorables à la reproduction des criquets pèlerins, exigent une réponse proactive et coordonnée pour éviter une invasion dévastatrice. En tirant les leçons du passé et en renforçant ses dispositifs de surveillance et d’intervention, la Tunisie peut protéger son agriculture et préserver la sécurité alimentaire de sa population. La menace des criquets pèlerins est donc bel et bien réelle...

H.G.

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