Par Hassan GHEDIRI
Après le recensement général de la population, la Tunisie s’apprête à mener son tout premier recensement général de l’agriculture. Une opération inédite et très prometteuse…
Depuis longtemps, le «Recensement agricole» (RA) est une opération obligatoire dans beaucoup de pays dans le monde. Le recensement agricole ou recensement général de l’agriculture est par exemple une opération décennale et obligatoire au sein de l’Union européenne depuis 1996. La France, première puissance agricole avec près de 17% de la production totale des 27 pays membres, a toutefois la tradition de recensement avant cette date. Son sixième et dernier recensement agricole a eu lieu en 2020. Les précédents menés tous à intervalle décennal avaient eu lieu en 1970, 1979, 1988, 2000 et 2010. Cette opération de grande ampleur offre des données précises et exhaustives sur l’agriculture dans toute sa diversité. Les statistiques obtenues sont très utiles pour éclairer la lanterne du gouvernement et l’aider à élaborer et ajuster ses politiques au niveau national régional et local.
La Tunisie, qui n’a jusque-là jamais fait un recensement digne de ce nom dans le secteur agricole, a décidé de franchir le pas, à l’aide d’un appui technique, logistique et financier fourni par l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture (FAO) et d’autres bailleurs de fonds.
Conscient de la nécessité de disposer de données statistiques fiables et détaillées pour orienter son action, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la pêche a donc décidé de mener son tout premier RA. Le projet sur lequel se penchent les départements impliqués depuis 2015 est presque prêt à être mis en œuvre. L’équipe du FAO a apporté un grand appui technique à la préparation de ce premier recensement général de l’agriculture tunisienne en fournissant les outils nécessaires à la bonne conduite des enquêtes à travers l’élaboration des questionnaires, les manuels des agents de terrain, ainsi que la mise en place des applications cartographiques et programmes de saisie.
Meilleure cartographie
D’après une note de FAO, de nombreuses formations et voyages d’étude ont permis de renforcer les capacités de la direction générale des études et du développement agricole. Un plan d’action à moyen terme pour la mise en œuvre d’une stratégie de développement des statistiques agricoles et rurales a été rédigé. Une stratégie de communication a été également élaborée et doit être lancée bientôt. Le recensement permettra de mieux connaître le secteur agricole tunisien en cartographiant les exploitations agricoles. La Tunisie compte plus de 500 mille exploitations agricoles, mais leur répartition, leur taille et leur spécialisation restent mal documentées. Un recensement dressera un portrait précis de ces structures. Il évaluera également les ressources disponibles, sachant que seulement 5 % de la superficie totale de la Tunisie est cultivable et que l’eau devient une ressource de plus en plus rare. Cette opération aidera à identifier les zones les plus productives et à optimiser l’utilisation des ressources hydriques.
Les résultats aideront, par ailleurs, à mieux cibler les actions d’accompagnement et à orienter les subventions et les investissements vers les ,filières prioritaires. Il permettra également d’anticiper les crises alimentaires. En 2022, la Tunisie a importé près de 50 % de ses besoins en céréales. Un recensement facilitera une meilleure planification de la production locale et réduira la dépendance aux importations.
Le recensement renforcera également la compétitivité du secteur agricole. Actuellement, seulement 20 % des exploitations tunisiennes utilisent des technologies modernes. Cette opération identifiera les besoins en équipement et en innovation pour augmenter la productivité. Elle soutiendra aussi le développement de l’agroalimentaire, un secteur qui représente 5% du PIB, en connectant mieux les producteurs aux transformateurs.
Il faut rappeler que la Tunisie est l’un des pays les plus affectés par le changement climatique dans la Méditerranée, avec notamment des scénarios alarmant prévoyant une baisse de 30 % des précipitations d’ici 2050. Le recensement améliorera la résilience du secteur agricole aidera à identifier les zones les plus exposées et à adapter les pratiques agricoles.
H. G.