Par Imen Abderrahmani
La vie est toute une scène de théâtre. « Au violon » de Fadhel Jaziri, une œuvre où le monde visible et le monde invisible se touchent et où le personnel et le collectif s’entrecoupent. Rendez-vous, à partir de ce soir, au Théâtre des régions, à partir de 19h00.
Fraîche création qui a été au programme de la 25ème édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC), « Au violon » s’inscrit dans la continuité de précédentes créations de Fadhel Jaziri, qu’elles soient théâtrales, musicales et également cinématographiques, soucieuses de préserver la mémoire et d’interroger l’histoire.
A la croisée des genres, entre le théâtre-documentaire et la comédie musicale, « Au violon » repose sur un travail de documentation musicale et également socio-politique, raconte la Tunisie du « bon vieux temps », selon l’expression de toute une génération et surtout les nostalgiques… La pièce explore la Tunisie d’antan et la Tunisie d’aujourd’hui à travers l’histoire d’un violoniste chevronné qui, pour de longues années, a intégré la Troupe de la radio nationale tunisienne et qui s’apprête pour partir à la retraite. Témoin de nombreux évènements culturels et socio-politiques, il partage avec les musiciens des fragments de sa mémoire et évoque tant de personnalités culturelles et politiques qui ont marqué ces années.
Entre le personnel, ses souvenirs et ses rencontres et le collectif, les évènements qui ont marqué le pays, l’œuvre de FadhelJaziri oscille. Si la mémoire se déroule ainsi comme un théâtre, le théâtre, à son tour, se fonde sur la mémoire pour raconter la Tunisie depuis l’indépendance en 1956 jusqu’après la révolution de janvier 2011. La musique est au cœur de ce projet théâtral où FadhelJaziri explore, à sa façon, la mémoire artistique nationale, laissant à Meher, cet ancien violoniste de la Troupe nationale de la radio tunisienne le soin de tirer de l’oubli tant de noms et de rendre hommage à tant d’artistes qui ont marqué de leur empreinte la scène artistique nationale.
Pour ne rien oublier
Le morceau joué au piano, de la suite symphonique de Nikolaï Rimski-Korsakov « Shéhérazade », à l’ouverture de la pièce, situe le spectateur dans les ambiances de cette œuvre et constitue le déclic pour que Meher, le personnage principal, raconte ses années dans l’Institut supérieur de musique de Tunis et rend hommage à tant de maîtres qui l’ont soutenu et l’ont aidé à affûter son talent et suivre sa passion tels que Ahmed Achour qui a dirigé avec beaucoup de passion et de patience, pour de longues années l’Orchestre symphonique tunisien, entre 1979 et 2010. FadhelJaziri à travers Meher n’oublie pas également Ahmed Al Wafi, musicien et compositeur, l’un des pionniers du renouveau de la musique tunisienne avec ses écrits et ses analyses des ouvrages musicaux et l’un des fondateurs de la Rachidia, cet institut musical phare porteur de la mémoire musicale tunisienne. Les hommages se poursuivent, tant de musiciens et d’artistes chevronnés sont racontés tout au long de la pièce qui dure plus de deux heures tels que Abdelhamid Ben Aljia, Sayed Chatta, Naama pour la musique, Mohamed Driss et Habib Boularèspour le théâtre… et Habib Masrouki, excellent directeur-photo et réalisateur de cinéma qui a contribué à l’expérience du Nouveau Théâtre et a accompagné de nombreux hommes de théâtre comme Fadhel Jaïbi, Fadhel Jaziri, Mohamed Driss et Taoufik Jebali, et qui a disparu en novembre 1980, à l’âge de 42 ans…
Et comme le politique et l’artistique se croisent se vent et influençant l’un l’autre de plusieurs manières, « Au violon » raconte aussi Bourguiba, les Yousséfistes, HédiNouira, Ahmed Ben Salah, Chedly Kélibi, Abel Raouf Basti et le mouvement « Perspectives » et ses militants…
Patchwork politique et artistique, « Au violon » est une production du Théâtre National Tunisien (TNT), le Centre des Arts Jerba avec le soutien de Théâtre de l’Opéra de Tunis.
L’œuvre réunit sur scène, Ichraq Matar et Slim Dhib avec la participation des musiciens Lotfi Al-Safi au violoncelle, Elias Balaghi au piano et Mehdi Dhaker au violon.
Le texte, la mise en scène, la dramaturgie et la scénographique sont signées par Fadhel Jaziri et l’œuvre est visible, ce soir, les 26 et 27 janvier, toujours à 19h00 au Théâtre des régions (Cité de la Culture).
I.A.