Dans les années 90, un groupe de chercheurs à l’université américaine Havard s’est mis à lire quotidiennement le Wall Street Journal et, chaque semaine, les pages économie et entreprises de Time ou de Newsweek. Quelques mois plus tard, ils ont écrit un article paru dans le journal « The Atlantic » sous le titre : « The Market as God » (le marché comme un dieu). Pour résumer, ils considèrent le libéralisme économique comme une forme de théologie où le marché est érigé en dieu tout-puissant, avec ses prophètes et ses commandements». Si l’on admettait cette comparaison, la Tunisie serait considérée comme un pays qui transgresse plusieurs codes. Un jugement que l’on peut admettre en se référant, par exemple, à l’indice mondial des libertés économiques qui vient de paraitre et qui confirme ce constat. Avec un maigre score de 49,1 dans «Economie Freedom Index 2025 », la Tunisie vient en effet de se classer 149è sur un total de 180 Etats.
En fait, c’est un résultat qui ne fait que confirmer une dégringolade observée depuis quelques années, qui se poursuit et qui s’accélère. En sept ans, la Tunisie a en effet perdu 14 places dans ce classement produit chaque année par la fondation américaine Heritage qui définit la liberté économique comme étant «l’absence de toute capacité de coercition ou de contrainte de la part du gouvernement sur la production, la distribution ou la consommation de marchandises et de services au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger et maintenir la liberté des citoyens». Ceci dit, la liberté économique est censée favoriser la productivité et la croissance économique en encourageant l'esprit d'entreprise et la création de valeur ajoutée.
On peut certes (et on doit toujours) remettre en cause les critères employés et la manière de les mesurer pour établir cet indice mondial de liberté économique, mais il faut tout de même noter qu’avec les mêmes mesures, la Tunisie a su se maintenir jusqu’à 2009 dans la catégorie des économies « modérément libres ». Avec son score actuel, l’économie tunisienne est «principalement non libre».
Ce recul alarmant reflète les dysfonctionnements structurels qui entravent le développement économique du pays. Les raisons de cette rétrogradation sont multiples et profondes. Pour inverser cette tendance, il est donc impératif pour la Tunisie d’engager des réformes profondes. D’abord, une simplification administrative et une réduction de la bureaucratie sont indispensables pour faciliter la création d’entreprises et la fluidité des échanges économiques. Ensuite, la mise en place d’un cadre judiciaire fiable et transparent, capable de garantir les droits des investisseurs et de lutter contre la corruption est primordiale. Enfin, des réformes fiscales et une meilleure gestion des finances publiques doivent être entreprises pour assainir l’économie et stimuler l’investissement à long terme.
Par ce temps de crise économique et financière, la tendance à adopter des mesures protectionnistes peut s’avérer normale. Par choix ou par obligation, une telle démarche finit toutefois toujours par entraver la liberté économique. Pour inverser la tendance et préserver cette liberté, il est essentiel de mettre en place des politiques équilibrées qui stabilisent l’économie tout en évitant les excès d’interventionnisme. La transparence, la bonne gouvernance et le respect des mécanismes de marché sont des éléments clés pour surmonter les crises tout en préservant les libertés économiques. Le renforcement de la liberté économique est essentiel pour la prospérité de la Tunisie. Sans des actions courageuses et des réformes radicales, le pays risque de voir sa position dans l'Indice de liberté économique se détériorer davantage.
H.G.