Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Six cent mille enfants issus du divorce en Tunisie. Un chiffre qui interpelle les spécialistes sur les effets psychosociaux qui marqueront ces enfants à jamais. Que pensent, justement, ces spécialistes et quelle solution pour ce drame?
C’est alarmant. On est à plus de la moitié d’un million d’enfants victimes de mariages consommés. Désormais, l’infrastructure du divorce a de beaux jours devant elle, avec cette explosion d’enfants sacrifiés. Surtout que, de nos jours, le divorce semble l’unique horizon d’un contrat conjugal précaire. Au fait, c’est la juge chercheuse au Centre d’études juridiques et judiciaires du ministère de la Justice, Rawene Ben Regaya, qui l’a révélé lors de la tenue le 13 et le 14 décembre à Tunis du troisième congrès international de l’Association internationale des droits de l’Homme et des médias, sous le tire «L’enfant du divorce et la blessure paternelle». En effet, le nombre d’«enfants du divorce» en Tunisie a atteint 600.000 cas, entre janvier 2023 et décembre 2024. a précisé que 104 enfants, parmi l’ensemble des enfants du divorce en Tunisie, se sont suicidés en raison de la désunion familiale. Elle a, en outre, estimé que «de nombreux pères abandonnent et négligent leurs enfants après le divorce, ce qui constitue une catastrophe pour la santé mentale de l’enfant et contredit le concept de responsabilité». Quels sont, justement, les effets du divorce sur les enfants? Interrogée à ce sujet, la spécialiste, Mariem Letaiem, nous a indiqué: «Toutes les études menées jusqu’ici révèlent que lorsque les parents divorcent, les enfants sont aux premières loges. Cet événement, loin d’être anodin pour eux, peut entraîner de nombreuses conséquences négatives. Anxiété, stress, sentiment d’abandon, troubles comportementaux: découvrez comment la séparation parentale peut influencer le développement de votre enfant. Il faut savoir, aussi, que suite au divorce, certaines conséquences peuvent être immédiates, tandis que d’autres se font ressentir sur le long terme». Que faire, alors, pour protéger ces enfants de ces effets lourds de conséquences?
Réactions
Lorsque le divorce est consommé, les enfants croient souvent en être la cause. Cette pensée peut alors être à l’origine d’une grande source de stress et de pression, «C’est pourquoi il faut les rassurer et se vous montrer serein. Laissez vos problèmes de côté lorsque vous êtes avec eux, pour éviter de leur faire ressentir vos propres angoisses», nous dira Letaiem. Et d’ajouter: «En plus de révéler ces émotions difficiles, la recherche, dont une analyse parue dans l’encyclopédie sur le développement des jeunes enfants, a aussi montré que les conséquences négatives du divorce à court terme incluent une baisse du rendement scolaire, une faible adaptation psychologique, sociale et émotionnelle et un concept de soi négatif. La santé physique des enfants est aussi compromise, particulièrement dans les situations de conflit élevé. Les méta-analyses montrent un risque accru d’effets négatifs à long terme pour une minorité (tout de même importante) d’enfants lorsqu’ils deviennent adultes, notamment un sentiment de bien-être moins élevé, un statut socioéconomique plus faible, une moins bonne santé physique, des liens émotifs moins forts avec leurs parents – surtout leur père – et un plus haut risque de vivre eux-mêmes un divorce. Malgré ces difficultés, plusieurs parents trouvent des moyens de faire des besoins de leurs enfants une priorité absolue et apprennent à exercer efficacement leurs fonctions parentales, de façon à ce que leurs enfants puissent rester centrés sur les priorités de l’enfance – apprendre et grandir – au lieu de devenir les gardiens ou les médiateurs de leurs parents. L’une des meilleures façons, en outre, pour les parents de rassurer leurs enfants au cours de cette période de grande incertitude qu’est le divorce est de leur répéter qu’ils les aimeront toujours. Bien qu’à différents stades développementaux les enfants peuvent sembler ne pas avoir besoin de cette réassurance ou peuvent même rejeter les expressions d’émotions fortes, ils bénéficient tous de manifestations fréquentes et sincères de l’amour de leurs parents. En plus des mots, les parents peuvent montrer leur affection par des gestes – en amenant les jeunes enfants à se blottir contre eux ou en enlaçant les plus vieux, par exemple – et par leur disponibilité, en passant simplement du temps avec eux».
M.B.S.M.