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Editorial : Des lendemains qui déchantent…

Par Chokri Baccouche

Tout comme la Libye voisine après la chute de Mouammar Kadafi, la Syrie est bien partie pour sombrer à son tour dans le chaos après le départ de Bachar el Assad. Le même scénario funeste est en passe, en tout cas, d’être réédité comme le confirme le bilan ahurissant des combats qui opposent depuis jeudi dernier des loyalistes au régime déchu aux forces de sécurité du nouveau gouvernement de transition. Au moins 600 personnes auraient été en effet tuées dont des femmes et des enfants, majoritairement issus de la minorité alaouite lors des accrochages particulièrement violents qui ont eu lieu ces derniers jours dans l’ouest du pays. L'Observatoire syrien des droits de l'Homme, une ONG basée à Londres, rapporte que des «exécutions  sur des bases confessionnelles ou régionales», assorties de «pillages de maisons et de biens», ont été enregistrées dans l’ancien bastion de la minorité musulmane alaouite, dont est issu le clan Assad. Ces violences, les plus meurtrières depuis la prise du pouvoir par le nouvel homme fort du pays, Ahmed al-Chareh, issu du groupe islamiste radical Hayet Tahrir Echam, font ressurgir le spectre de la guerre civile qui a ravagé le pays durant la dernière décennie. Elles sont annonciatrices de lendemains qui déchantent dans un pays qui est loin d’être malheureusement au bout de ses peines. Un pays composé d’une mosaïque de minorités ethniques et religieuses aux intérêts diamétralement opposés et dont l’unité précaire fait craindre le pire.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les affrontements les plus récents ont commencé lorsque les forces gouvernementales ont tenté d’arrêter une personne recherchée près de la ville de Jableh et sont tombés dans une embuscade tendue par les loyalistes d’el Assad. On peut supposer que ces derniers ont fait acte de légitime défense si on ose dire, surtout que les forces gouvernementales ont ratissé large s’adonnant à des arrestations arbitraires voire des exécutions sommaires sans aucune forme de procès d’anciens responsables de l’ancien régime.Tout porte à croire que cette descente musclée dans un fief alaouite, où les nerfs des populations qui craignent le pire sont déjà à fleur de peau, a mis le feu aux poudres. La suite n’est pas du tout bonne à voir ni à entendre: des hommes armés fidèles au nouveau gouvernement ont alors pris d'assaut les villages de Sheer, Mukhtariyeh et Haffah près de la côte, tirant sur tout ce qui bouge pour laver l’affront, n’épargnant ni femmes ni enfants dans un déchainement de violence vindicative inouï. Passés les salamalecs de circonstance et le pacifisme de façade des premiers jours post-Bachar el Assad, les combattants de chez Hayet Tahrir Echam retrouvent ainsi leurs instincts  primaires démontrant au passage leur propension naturelle à donner la mort sans ménagement.

Après ce carnage lourd de conséquences, le président intérimaire Ahmed Al Shareh  a tenté de calmer le jeu appelant ses fidèles à éviter de commettre de telles exactions au prétendu motif de ne pas donner aux «résidus de l’ancien régime» des prétextes pour semer le chaos et la zizanie dans le pays. Manque de pot pour lui, le mal est déjà fait, car cet incident particulièrement sanglant est de nature à booster les défiances envers son régime qui aura bien du mal à recoller les morceaux brisés. Le problème commun chez tous les groupes islamistes radicaux, que ce soit en Orient ou dans d’autres contrées en Afrique du Nord ou ailleurs, c’est qu’ils agissent avec une mentalité propre aux sectes. Une fois tombé sous leur coupe en règle, ils considèrent le pays conquis comme un vulgaire butin de guerre et ne manquent pas au passage de s’adonner à toutes sortes de dépassements et de pratiques illicites et amorales. Cela va de l’enrichissement illicite des membres de la «communauté et de leurs ouailles» aux tentatives visant la mise en place d’un régime théocratique sans partage du pouvoir qu’ils s’obstinent à diriger d’une main de fer. La démocratie, les valeurs de justice, la liberté d’expression et tutti quanti ne figurent pas dans le glossaire et les convictions profondes de ces groupes radicaux, comme on l’a pu le remarquer d’ailleurs dans les régimes qui ont émergé dans le sillage de ce qu’on appelle prosaïquement «printemps arabe». La Syrie d’Al Chareh fera-t-elle exception à la règle en déjouant tous les pronostics pessimistes liés à la gouvernance de l’islamisme radical. Même s’il est quelque peu prématuré de répondre à cette question, on peut dire que ce qui s’est passé ces derniers jours du côté du bastion alaouite annonce d’ores et déjà la couleur. Une couleur plutôt sombre qui n’a rien à voir avec le rose fuchsia, comme veulent le faire croire le big boss président de Hayet Tahrir Echam ainsi que les sponsors étrangers qui l’ont soutenu à bras-le-corps, armé et intronisé pour servir de marionnette attitrée de leur plan sournois à visée bassement géopolitique qui se propose de changer complètement la face du Moyen-Orient…

                                                                                                                         C.B.

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