Par Chokri Baccouche
Il y a quelques années, Tante Bessie, une femelle babouin pensionnaire du zoo de Paignton, en Grande-Bretagne, a miraculeusement survécu à deux arrêts cardiaques. Le primate qui s’est effondré dans sa cage a été sauvé in extrémis grâce à la… célèbre chanson des Bee Gees «Staying alive» que les vétérinaires, appelé à la rescousse, avaient utilisé comme musique de fond afin de se caler sur le bon rythme pour les massages cardiaques, rapporte le Torquay Herald Express. Retapée à neuf, Tante Bessie coule aujourd’hui des jours heureux et doit une fière chandelle à Barry, Robin et Maurice Gibb, le trio de ce groupe musical légendaire qui a fait danser la planète durant les années 80 du siècle dernier.
La musique qui adoucit les mœurs dit-on, est désormais capable de faire des prodiges et ce n’est certainement pas Tante Bessie qui va infirmer cette réalité. Elle permet non seulement aux joyeux lurons de rouler des mécaniques tout en rythme dans l’allégresse, mais de sauver également des vies. La thérapie semble marcher, en tout cas, avec les animaux et on se demande d’ailleurs si ce remède miraculeux, en Ré mineur ou majeur, est tout aussi efficace pour les humains et plus particulièrement les politiciens. Pourquoi les politiciens ? Parce qu’ils peuvent être exposés à des chocs émotionnels intenses susceptibles de déboucher sur de sérieux pépins de santé, surtout s’il s’agit d’un chef d’Etat qui commet des bourdes monumentales, lourdes de conséquences pour l’avenir de son peuple. Volodymyr Zelensky est justement dans cette situation peu amène. En l’espace d’une petite semaine, tout a basculé en effet pour le président ukrainien qui subit une montagne de mauvaises nouvelles et de coups très, très douloureux.
Après la décision prise par les Etats-Unis de se désengager de la guerre qui oppose son pays à la Russie, Zelensky a été descendu en flammes par Donald Trump qui l’a sévèrement tancé. Le président américain s’est, en effet, complètement déchainé contre son homologue ukrainien lors de sa dernière sortie médiatique dans sa résidence en Floride, l’accusant non seulement d’être l’instigateur de la guerre mais également d’avoir détourné à son profit une grande partie des aides américaines depuis le début du conflit. En guise de coup de grâce, Trump a traité son homologue ukrainien de «dictateur sans élection». Autant dire que Volodymyr Zelensky est désormais dans une très mauvaise passe car non seulement son régime a perdu la contribution vitale américaine dans l’effort de guerre mais il n’est plus porté en odeur de sainteté par le nouveau locataire de la Maison Blanche. Sa carrière politique est plus que jamais compromise et elle risque de s’achever bientôt en queue de poisson.
Les mauvaises langues diront, à juste titre, que l’ancienne star d’une émission de téléréalité a commis des erreurs grossières dés le départ. Peu expérimenté voire pas du tout rompu aux arcanes et aux vicissitudes de la politique, il a embarqué son pays dans une mortelle galère alors qu’il avait une chance d’éviter ce désastre. Beaucoup se demandent aujourd’hui si l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, ardemment souhaitée par Zelensky, en valait la peine d’ouvrir les portes de l’enfer et de se lancer dans une guerre aussi atroce qui a fait des centaines de milliers de morts civiles et militaires sans compter les dégâts matériels incommensurables. Le président ukrainien découvre aujourd’hui, à son corps défendant, la dimension de la tragédie dont il a été, quoiqu’on le dise, l’un des principaux vecteurs. Ce drame Kafkaïen donne en fait la preuve formelle que la realpolitik n’est pas un jeu ludique dans simple émission de téléréalité.
Au fait, Volodymyr Zelensky n’est pas le seul belligérant à subir les effets pervers et les douloureux retours de manivelle de cette sordide guerre. Mis sur la touche par leur puissant allié américain, les dirigeants européens sont logés, en effet, à la même enseigne et tentent désespérément d’obtenir une place à la table de négociations de paix en Ukraine. Pour les Européens, l’enjeu est désormais d’éviter que les Etats-Unis imposent à Kiev une paix aux conditions de Moscou et de pouvoir peser dans les négociations au motif que l’issue du conflit à des répercussions sur leur propre sécurité. Humiliés par les Américains qui ont opposé un niet catégorique à toute participation européenne aux futures discussions de paix, les dirigeants du vieux continent réussiront-ils à renverser la vapeur et obtenir gain de cause ? Bien malin celui qui saura répondre à cette question avec précision. Les prochains jours nous diront peut-être un peu plus sur ce sujet brûlant. En attendant le verdict, les uns et les autres seraient en tout cas bien inspirés de garder à l’esprit la thérapie miraculeuse de Tante Bessie. A toute fin utile, il parait que « Staying alive », le tube du célèbre trio dont la voix bourdonne comme une guêpe, est le meilleur remède contre les arrêts cardiaques, la déprime et les désillusions amères…. Ah, ah, ah, ah, staying aliiiive, oh when you walk !…
C.B.