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Casse-toi la mouche…

Par Chokri BACCOUCHE

Dresser le portrait robot de Donald Trump est chose aisée. Il suffit de prêter une oreille même distraite aux déclarations fracassantes du revenant 47e président américain pour délimiter, avec une extrême précision, les contours de la personnalité et la nature profonde et pour le moins atypique de l’homme. Celle-ci transpire la mégalomanie et la folie des grandeurs, saupoudrée par une bonne dose d’outrecuidance. Pour paraphraser un adage bien de chez nous, il est du genre : «Casse-toi la mouche, il n’y a que bibi sur terre». Bien plus, M. Trump aime rapetisser les autres pour mieux les dominer, les ridiculiser et leur faire sentir qu’ils sont infiniment petits et vulnérables devant son auguste majesté, fussent-ils des chefs d’Etat ou des têtes couronnées. Lors de son premier mandat, on l’a d’ailleurs vu à l’œuvre comment il traitait comme un sous fifre le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, en direct à la télévision, dans une démonstration de farces de mauvais goût qui en dit long sur l’incroyable propension de l’homme à aviliser ses interlocuteurs. Revêche, démesurément prétentieux et d’une arrogance inégalée, Trump cultive en fait l’art de dire tout ce qui est tordu et blessant sans gant et sans ambages. A l’image d’un boxeur qui prend un malin plaisir à donner des uppercuts vicieux et assommants à son malheureux rival.

Au cours de sa campagne électorale, le nouveau chef de l’Exécutif américain a donné l’impression qu’il était un homme de paix, pas du tout porté sur les guéguerres et la violence. En businessman averti, tout ce qui l’intéressait c’est l’argent et rien que l’argent. Il s’en est pris d’ailleurs vertement et ouvertement à la politique agressive de son prédécesseur, qui a conduit, selon ses dires, à la désastreuse guerre en Ukraine. Mais les paroles n’engagent que ceux qui les entendent et à ce titre, M. Trump a vite fait de tourner casaque et virer de bord à la vitesse de la lumière. Dès le premier jour de son entrée officielle à la Maison Blanche, il s’est empressé de signer en effet une série de décrets qui rivalisent d’agressivité, susceptibles de booster encore plus les tensions, déjà à leur comble, sur la planète. Les oukases trumpiens pêchent en effet par trop de tropisme et se proposent de semer les graines de nouvelles crises dans des régions paisibles qu’on croyait à l’abri de ces sautes d’humeur. Aussi surprenant et paradoxal que cela puisse paraître, les voisins de l’Amérique sont d’ailleurs les premiers à goûter à ce ragoût de mauvais goût, dans la mesure où Trump envisage non seulement de faire du Canada le 51è Etat américain, mais également mettre la main sur le Canal de Panama et occuper le Groenland en commençant par changer le nom du Golfe du Mexique par «Golfe de l’Amérique».

Le Danemark, pourtant membre de l’OTAN et de l’Union européenne, est dans la ligne de mire de Trump qui cherche à soulager ce pays d’une partie de son territoire historique au prétendu motif que le Groenland est une région stratégique pour la sécurité internationale et doit être contrôlée, par conséquent,  par les Etats-Unis. Le respect du droit international, les règles de bon voisinage et les principes d’inviolabilité des frontières ne sont que foutaises dans la logique, absurde, et la perception, tout aussi aberrante et abracadabrante, d’un Trump qui se croit le nombril invulnérable du monde.

En attendant les réactions officielles des pays visés par les bombinettes délibérément dégoupillées par ses soins, le locataire de la Maison Blanche s’en prend comme «d’hab» aux plus vulnérables, les Palestiniens en l’occurrence, devenus à la longue ses souffre-douleurs privilégiés. Pour résoudre le conflit israélo-palestinien, Trump propose ni plus ni moins que de déporter les Palestiniens. Et vlan ! C’est aussi simple que ça. Le roi des rois Trump en a décidé ainsi et il a d’ailleurs déclaré au cours d’une récente conférence de presse qu’il a mis au parfum à ce sujet le souverain jordanien à qui «il a demandé d’ouvrir ses frontières aux Palestiniens de Gaza». «J’appellerais le président égyptien Sissi pour lui demander la même chose», a promis également Trump. Ces déclarations à l’emporte-pièce, d’une irresponsabilité infiniment désinvolte ont provoqué, comme il fallait s’y attendre, une véritable liesse chez les Ben Gvir et autre Smotrich, les extrémistes sionistes sanguinaires qui crèchent du côté de Tel-Aviv. Ces derniers n’ont pas manqué d’ailleurs d’encenser la «vision savante et futuriste» du «plus grand ami d’Israël». Pour Trump, il ne faut plus se faire de la bile pour les Palestiniens qui sont « tous morts de toute façon », comme il l’avait déclaré avec un cynisme décapant et une froideur macabre qui en disent long sur l’immoralité et l’inhumanité du président américain.

Pis encore, la nature ayant horreur du vide, Trump a des projets immobiliers, sa vocation de prédilection, pour Gaza. En bon promoteur du béton, pas du tout porté sur les considérations «bassement humanitaires», il pense que Gaza «doit être reconstruite de manière différente» car  elle offre une valeur ajoutée très intéressante de par sa situation géographique privilégiée en bord de mer.

Le président américain prend-il, en définitive, ses vessies pour des lanternes ? ça en a tout l’air et même qu’on est tenté de dire qu’il cultive l’art des pokers menteurs. On imagine mal, en tout cas que les Panaméens, les Canadiens, les Danois, les Egyptiens, les Jordaniens et encore moins les Palestiniens vont se laisser intimider par les délires ubuesques de celui qui prend, de toute évidence, l’ensemble des terriens pour des canards sauvages et toute la planète pour sa propre chasse gardée  et sa propriété exclusive…

                                                                                                                                         C.B.

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