Par Hassan GHEDIRI
Pour se mettre définitivement à l’abri des crises et éviter les mauvaises surprises, il faut avoir les moyens de constituer des stocks de provisions.
Moins de 1 million d’hectares est la superficie totale emblavée de céréales en cette saison 2024/2025 qui, toutefois, a débuté dans des conditions météorologiques particulièrement favorables avec une pluviométrie promettant une très bonne moisson selon les agriculteurs. Après des années durant lesquelles les périodes de vaches maigres se sont succédé poussant l’Etat à puiser dans les réserves, déjà médiocres, du Trésor public pour importer les besoins de blé, la récolte de cette saison devrait être bonne. Elle permettrait normalement de combler, tant bien que mal, le déficit de la balance commerciale alimentaire qui a continué à se creuser par le recours excessif à importation des céréales. Quelle que soit la moisson, il semble toutefois que la Tunisie continuera à être fortement affectée par les tensions des marchés et l’instabilité des cours internationaux, et ce, à cause des problèmes structurels auxquels les autorités manquent de remédier.
Car, en plus de l’augmentation de la production qui passe inévitablement par le déploiement des ressources et moyens techniques et humains aidant à maximiser la rentabilité de la filière, l’autonomie et l’autosuffisance du pays en matière de céréales dépend aussi et surtout de sa capacité de bien gérer les réserves. Pour pouvoir se mettre définitivement à l’abri des crises et éviter les mauvaises surprises, il faut avoir les moyens de constituer des stocks de provisions.
Urgence
Cette urgence, l’Algérie est en train de la prendre très au sérieux. Notre voisin de l’Ouest qui a subi, comme nous, des épisodes successifs de sécheresse ayant grandement aggravé ses déficits alimentaires, notamment des produits de céréales a décidé de renforcer son autonomie et de ne plus rester à la merci des incertitudes des marchés et des chaînes d’approvisionnement internationaux. Sa démarche peut justement se résumer en trois mots «faire des provisions,». Une solution simple et très efficace qui consiste à multiplier le nombre de silos dans le pays. L’Etat algérien vise, en effet, de porter la capacité nationale totale de stockage des céréales de plus de 4 millions de tonnes actuellement à plus de 9 millions de tonnes (90 millions de quintaux) avec l’entrée en service, très prochainement, de près de 380 nouveaux silos et centres de stockage d’une capacité cumulée de 5 millions de tonnes.
En doublant sa capacité de stockage de céréales, l’Algérie espère constituer des réserves stratégiques largement suffisantes pour garantir les besoins de consommation de plus de 47 millions d’habitants. Une démarche qui devrait inspirer la Tunisie qui, avec une population quatre fois inférieure que son voisin, tarde à investir dans le renforcement de sa capacité de stockage. Bon an mal an, des quantités énormes de céréales continuent pourtant à être perdues durant les campagnes de collecte. Aujourd’hui, la capacité de stockage national dépasse à peine 1 million de tonnes (13,7 millions de quintaux). Elle est partagée entre l’Office des céréales, les collecteurs privés et les mutuelles. Pour dire qu’à côté d’une production quasi-totalement pluviale, dont le rendement dépend de la météo, le stockage est le maillon faible de la filière des grandes cultures qui nécessite d’être rapidement renforcé.
H.G.