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Editorial : Se préparer aux bouleversements majeurs - Par Hassan GHEDIRI

C’est désormais un fait et tous les spécialistes l’affirment: la Tunisie est l’un des pays les plus vulnérables au dérèglement du climat et qui subit déjà de plus en plus fortement ses effets dans le bassin méditerranéen. Selon une nouvelle étude prospective du centre de recherche sur le développement et l’environnement en Méditerranée (Plan Bleu) publiée le 16 janvier 2025, et qui porte l’impact des changements climatiques dans la Méditerranée à l’horizon 2050, des régions entières dans les 22 pays adhérents au Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM) risquent de devenir inhabitables. Pus chaud, plus peuplé et avec une eau qui se raréfie, le bassin méditerranéen voit, en effet, son avenir s’assombrir d’après cette étude qui conclut que la Méditerranée connaîtra d’ici 2050 une «transformation majeure de son écosystème marin» et une «dégradation générale» de ses conditions d’habitabilité. En fait, les auteurs de l’étude considèrent que «les risques d’effondrement locaux ne sont pas à exclure et la priorité est de s’y préparer à travers des politiques d’adaptation». Ceci étant dit, pour ce qui est de la Tunisie, si la tendance actuelle se maintient, nous subirons d’ici quelques années des dégâts irréparables dus à la hausse des températures, à la dégradation des écosystèmes, à la raréfaction de l’eau et aux déplacements massifs des populations. 

La Tunisie a déjà eu un avant-goût de ce que Dame Nature est en train de mijoter à l’humanité comme riposte à tous les dommages qui lui sont, sans cesse, infligés. En 2021, notre pays a connu une des années les plus chaudes de son histoire, avec des températures dépassant les 50°C. Et les projections pour 2050 ne laissent aucun doute: les températures moyennes vont augmenter de 2 à 4°C d’ici là. A cela s’ajoutent d’autres phénomènes catastrophiques tels que l’élévation du niveau de la mer qui risque d’enrayer de la carte des étendues considérables du littoral et ronger les territoires des grandes agglomérations et détruire leurs infrastructures. Si rien n’est fait, ce ne sont pas seulement les plages et les sites touristiques qui seront affectés, mais aussi des secteurs clés comme l’agriculture, la pêche et l’approvisionnement en eau potable.  

La Tunisie souffre déjà de la raréfaction de l’eau. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le pays est classé parmi les pays les plus pauvres en eau, avec seulement 400 m3 d’eau disponible par habitant chaque année, bien au-dessus du seuil critique des 1.000 m3. Les pénuries sont devenues chroniques, notamment dans les régions de l’agriculture et de l’élevage. Le tourisme, secteur clé pour l’économie tunisienne, commence de son côté à subir les conséquences du règlement du climat. Les vagues de chaleur fréquentes risquent de décourager les visiteurs, tandis que la montée des eaux affectera les plages et l’accessibilité des destinations touristiques. De plus, la perte de biodiversité marine, en particulier des récifs coralliens et des écosystèmes marins, réduira les ressources halieutiques, impactant la pêche, mais aussi l’industrie du tourisme liée à la mer. En somme, le changement climatique s’attaque à l’ensemble du tissu socioéconomique du pays. Selon les scénarios décrits par le Plan Bleu, la Tunisie risque l’effondrement pur et simple des secteurs stratégiques si aucune politique d’adaptation n’est mise en place. Mais la Tunisie, bien que confrontée à de redoutables défis, a encore la possibilité d’agir pour éviter l’irréversible. La question n’est pas de savoir si ces risques se concrétiseront, mais plutôt si le pays prendra les mesures nécessaires pour limiter les dégâts.

L’anticipation et l’adaptation doivent être les piliers fondamentaux de toute politique de prévention. Il est urgent de renforcer les capacités de résilience face à la hausse des températures et aux épisodes de sécheresse. Une gestion plus efficace de l’eau est indispensable. Il est également crucial de réhabiliter les infrastructures pour les rendre résistantes aux aléas climatiques, notamment dans les zones côtières vulnérables. Dans l’agriculture, de laquelle dépendaient la sécurité et la souveraineté alimentaire, il est primordial d’encourager la transition vers des pratiques plus durables et résilientes au climat, comme l’agroécologie et l’agriculture de conservation, qui préservent la fertilité des sols et réduisent la dépendance aux ressources en eau. La diversification des cultures et la promotion de variétés plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse sont également essentielles.  Enfin, la Tunisie doit adopter une politique énergétique plus ambitieuse, basée sur le développement des énergies renouvelables. Le pays dispose d’un potentiel solaire et éolien considérable, et des investissements massifs dans ces secteurs permettraient de répondre aux besoins énergétiques croissants. La Tunisie a besoin d’actions décisives pour éviter les scénarios les plus sombres du rapport Plan Bleu. Son salut réside dans une volonté politique forte, une planification à long terme et un échange d’expertise dans le cadre d’une diplomatie climatique efficace.

H.G.

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