Lancé par le Ciné-Club de Tunis, le nouveau rendez-vous du cycle « Black screen, White lies » proposera « Vénus Noire » de Abdellatif Kéchiche. Film qui sera projeté le 24 janvier 2024, à 18h00, sur l’écran de la salle « Le Rio ».
Le film revient sur le parcours tragique de Saartjie Baartman, originaire de la colonie du Cap, aujourd’hui province de l’Afrique du Sud qui a été exhibée, comme une bête de scène, en Europe de 1810 à sa mort en 1815, à Paris. Un moulage de son cadavre a été exposé au Musée de l’homme, à Paris, jusqu’en 1974.
Après la chute du régime d’apartheid, sa dépouille a été rapatriée en 2002 en Afrique du Sud, à la demande de Nelson Mandela et de chefs tribaux. Saartjie Baartman est devenu ainsi un symbole pour l’Afrique du Sud nouvelle.
Sur une scène des scientifiques dans un amphithéâtre en train de passer de main en main un bocal contenant une partie de l’appareil génital d’une femme, conservé dans du formol, et où l’anatomiste George Cuvier expliquait avec enthousiasme à l’assistance les semblances entre Saartjie Baartman qui souffrait d’une hypertrophie des hanches et du postérieur et possédait des organes génitaux protubérants et le singe, s’ouvre ce film troublant.
Dès la première scène, Abdellatif Kéchiche dévoile ses intentions artistiques comme humaines. Il ne s’agit pas tout simplement de faire un film mais de mettre en lumière la souffrance de Saartjie Baartman qui a été exhibée dans des cabarets louches à Londres devant un public à la fois effrayé, fasciné, curieux qui n’hésite pas à toucher son corps moulé dans un justaucorps et a violé son humanité et son intimité.
Ramenée à Paris pour fuir le procès d’une société britannique anti-esclavagiste britannique, Saartjie Baartman a été victime d’une exploitation sexuelle… Brisée par la prostitution, minée par les maladies, seule, Saartjie Baartman a quitté ce monde, dans un bordel sordide. Mais la mort ne semble pas alléger sa souffrance. Après sa mort, son intimité a été violée par Georges Cuvier, célèbre scientifique sans humanité, qui a disséqué son cadavre pour exposer, au Musée de l’Homme à Paris, son squelette, ses organes génitaux, précédant à un moulage de son corps.
Dans ce film qui a fait couler beaucoup d’encre lors de sa sortie, Abdellatif Kéchiche a dénoncé tout rapport de domination, s’interrogeant sur la légitimation scientifique de la colonisation et ses théories racistes, la déshumanisation de l’homme noir, l’exploitation des femmes surtout noires…
Un vrai chef d’œuvre, « Vénus noire », un film qui a bien marqué le parcours de Abdellatif Kéchiche, ce cinéaste franco-tunisien, Palme d’or du festival de Cannées en 2013 et lauréat de tant de prix pour ses films à l’approche singulière.
Une rencontre-débat suivra la projection de ce film dont la durée est de 2h46’.
Imen.A.