Il semble que le scénario tant appréhendé est en train de prendre forme et que nos pires craintes ne tarderaient pas à se réaliser. Ce n’est qu’une question de temps, diront les plus optimistes. Nous l’avons bel et bien évoqué, il y a exactement un mois, ici, dans ces mêmes colonnes. Lorsque Donald Trump, dans un come-back fracassant à la Maison Blanche, s’est mis à signer à tour de bras des décrets augmentant les droits de douanes sur quasiment toutes les marchandises entrant aux Etats-Unis, les observateurs avertis ont été tous convaincus que cette tentation protectionniste du président américain mènera tout droit à une guerre commerciale planétaire que nul ne pouvait prédire les retombées. Dans un édito publié le 4 février dernier, nous avons justement tenté d’expliquer que les barrières protectionnistes, que Donald Trump s’est empressé à dresser autour de son pays quelques jours seulement après son investiture, étaient en effet une déclaration de guerre commerciale au reste du monde.
Certes, l’augmentation des tarifs douaniers, officialisée et mise en vigueur depuis mardi, vise des pays que le président Trump accuse de profiter d’une situation très désavantageuse pour l’économie américaine. Mais quand les Etats-Unis attaquent leurs principaux alliés, le Canada, le Mexique et l’Union européenne, auxquels il faut ajouter bien sûr la Chine, c’est en quelque sorte le cœur battant du commerce international qui risque d’être frappé de plein fouet. Beaucoup de spécialistes considèrent d’ailleurs que le niveau de taxation sur les importations américaines, qui est le plus élevé depuis la fin des années 1940, entrainerait un coup d’arrêt brutal à la mondialisation entamée dans l’après-guerre. Il faut noter que les pays touchés par la surtaxation de leurs exportations ne se feront pas prier pour riposter au protectionnisme américain.
Maintenant, pour ce qui nous concerne, nous ne pouvons malheureusement pas faire comme si tout ce qui est raconté là-haut ne nous intéresse pas. Quand Trump se mettait à battre les tambours de guerre commerciale à l’autre côté de l’Atlantique, la Tunisie ne peut pas se boucher les oreilles et s’occuper de ses oignons. Car, comme nous l’avons précédemment dit, la guerre trumpiste n’épargnera aucun pays. L’économie tunisienne, plus fragile que jamais, ne sera pas à l’abri de l’onde de choc que devait immanquablement provoquer dans le monde l’avalanche de taxes douanières américaines. L’Union européenne, qui continue à être quasiment l’unique débouchée commerciale de la Tunisie accaparant plus de 80% de nos échanges, a été «conçue pour emmerder les Etats-Unis» avait constamment répété Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche. Des droits de douanes supplémentaires de 25% seront imposés aux produits made in Europe qui entrent aux Etats-Unis. Des «droits de douane injustifiés imposés à l’UE (...) donneront lieu à des contre-mesures fermes et proportionnées», avait cependant menacé en retour la présidente de la Commission européenne, courant février.
Quelques heures après l’entrée en vigueur des nouvelles barrières douanières visant le Canada, le Mexique et la Chine, les premières ondes de choc ont été constatées dans les principales capitales européennes qui ont vu leurs bourses chuter. Dans le Vieux continent, les appréhensions montent de plus en plus alors que commence l’ombre d’une guerre commerciale à planer sur les pays de l’Union qui redoute un frein important à la croissance.
Cette guerre commerciale mondiale presque inévitable aura des retombées indirectes sur l’économie tunisienne, notamment en raison de l’impact sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et les fluctuations des prix. La Tunisie, étant un exportateur de produits agricoles, textiles et manufacturés, pourrait voir ses coûts d’importation augmenter, car les tensions commerciales risquent de perturber la disponibilité de matières premières à des prix compétitifs. De plus, si les États-Unis imposent des taxes supplémentaires sur les produits européens, la demande pour certains biens en provenance de l’UE pourrait diminuer, affectant les exportations tunisiennes qui sont souvent intégrées dans les chaînes de production européennes. Les incertitudes économiques mondiales pourraient également nuire à la confiance des investisseurs étrangers en Tunisie. Une belle leçon qui vient de rappeler aux décideurs combien est aujourd’hui vital pour notre pays de diversifier ses partenariats commerciaux, notamment en renforçant les relations avec des pays émergents et en augmentant les investissements dans l’innovation et la compétitivité des secteurs clés.
H.G.