Le keffieh. Cette seule image suffit à le raviver. Yasser Arafat, fondateur du Fatah, dirigeant de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) et président de l’Autorité palestinienne, est mort le 11 novembre 2004. Vingt ans plus tard, cette figure controversée reste l’incarnation de la cause palestinienne. Sa mort résonne d’une manière particulière alors que les Palestiniens luttent pour leur survie, dans un sanglant conflit transformé par les sionistes en véritable génocide. La chercheuse Elena Aoun, professeure et chercheuse en relations internationales et spécialiste des conflits au Moyen-Orient à l’UC Louvain, nous propose ci-dessous, pour vous rafraîchir la mémoire, de revenir sur ce destin hors du commun en dix moments clés.
1959 : Arafat cofonde le Fatah
En 1956, juste après la crise du canal de Suez et la deuxième guerre israélo-arabe, mais aussi 10 ans après la Nakba, l’exil forcé de 700.000 Palestiniens à la création de l’État d’Israël en 1948, Yasser Arafat met progressivement en place le Mouvement de Libération de la Palestine, qui sera fondé en 1959 et prendra le nom de Fatah ("Conquête"). Son objectif : établir un État palestinien indépendant par la lutte armée. Ce parti politique rejoint l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à sa création en 1964.
1969 : Arafat prend la tête de l’OLP
Le 5 février 1969, Yasser Arafat prend également la tête de l’OLP. Basée d’abord en Jordanie, l’organisation en sera chassée par le roi Hussein (l’épisode sera baptisé "Septembre noir"), Arafat la déplace alors à Beyrouth, au Liban.
Entre-temps (1967) a lieu la guerre des Six jours, qui se solde par la victoire d’Israël qui occupe le plateau du Golan syrien, la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. L’implantation dans les territoires occupés commence.
Débutent alors, en guise de résistance et de réaction, des années de guérilla menée par différentes factions palestiniennes, avec des détournements d’avion, des attentats à la bombe, et, en point d’orgue, l’assassinat des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972.
1974 : Arafat fait son entrée sur la scène internationale, à l’ONU
L’Assemblée générale reconnaît l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme "seul représentant légitime du peuple palestinien". Arafat est à sa tête. Coiffé de son fameux keffieh, il prononce un discours resté dans les mémoires : "Aujourd’hui, je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de combattant de la liberté. Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main. Je vous le répète : ne le laissez pas tomber de ma main."
1982 : Ariel Sharon envahit le Liban, Arafat est contraint à l’exil en Tunisie
Sous l’égide d’Ariel Sharon, ministre de la Défense, Israël envahit le Liban suite à des attaques de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, basée dans le sud du pays. Yasser Arafat est contraint de quitter le Liban et de s’exiler à Tunis. Il échappe en 1985 à un raid israélien sur son QG de Tunis.
1987 : Arafat soutient la première intifada (guerre des pierres)
La population palestinienne, exaspérée par vingt ans d’occupation, se soulève "de l’intérieur". À Gaza, puis en Cisjordanie, les Palestiniens jettent des pierres contre l’armée israélienne. Arafat, le Fatah et l’OLP vont soutenir la révolte. C’est alors que se crée le “mouvement de résistance islamique”, le Hamas.
1988 : Arafat tend la main
Yasser Arafat change de stratégie. Il tend une première main. Le 15 novembre 1988, il proclame un Etat palestinien indépendant et reconnaît implicitement l’existence d’Israël. Quant à la présence, dans la charte de l’OLP, de l’appel à détruire Israël, "c’est caduc", dit-il lapidairement en français lors d’un passage à Paris.
1993 : Arafat serre la main d’Yitzhak Rabin (accords d’Oslo)
En septembre 1993, Yasser Arafat tend la main à Yitzhak Rabin, Premier ministre d’Israël, qui a un moment d’hésitation avant de la saisir, devant le président des États-Unis Bill Clinton.
L’image symbolise les accords d’Oslo. Il s’agit d’une déclaration de principes qui prévoit une autonomie palestinienne transitoire, pendant 5 ans, cinq ans durant lesquels il faudra trouver des solutions pour une paix durable, notamment concernant le retour des réfugiés palestiniens, ou le statut de Jérusalem, des questions qui ne sont pas alors tranchées.
1994 : Arafat retourne à Gaza et reçoit le prix Nobel
Après 26 ans d’exil, Yasser Arafat fait un retour triomphal à Gaza. Il reçoit, avec Yitzhak Rabin et Shimon Perez, le Prix Nobel de la paix.
Mais en 1995, l’assassinat d’Yitzhak Rabin par des extrémistes sionistes marque un premier coup d’arrêt à la poursuite des négociations. Le Hamas met par ailleurs la pression : il rejette les accords d’Oslo, et lance des attentats suicides en Israël.
1996 : Arafat est élu président de l’Autorité palestinienne
En 1996, il est élu président de la nouvelle Autorité palestinienne (AP), créée à la suite des accords d’Oslo, mais qui jouit d’une autonomie limitée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Les difficultés s’accumulent, il est accusé de corruption, l’AP n’arrive pas à améliorer la vie de la population palestinienne, les accords d’Oslo battent de l’aile, rejetés à la fois par la droite israélienne arrivée au pouvoir et par une population palestinienne déçue, dont les conditions de vie se détériorent.
D’autres tentatives de conciliation, à Camp David (en 2000) ou à Taba (en 2001) se solderont par des échecs. La seconde Intifada, en 2000, et l’arrivée d’Ariel Sharon (2001) ne font qu’empirer la situation. Ce dernier lance la construction de la "barrière de sécurité", un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie censé arrêter les kamikazes palestiniens. Il décrète Yasser Arafat hors-jeu et prétend ne pas avoir d’interlocuteur pour négocier la paix.
2004 : Arafat meurt en France
Assigné à résidence par l’armée israélienne dans son quartier général de Ramallah (la Mouqataa), en Cisjordanie, il ne peut plus voyager. Il disparaît peu à peu de la scène politique. Il tombe malade et finit par mourir en France, où il était soigné, le 11 novembre 2004, à 75 ans. Sa mort a soulevé beaucoup de questions, certains accusant Israël de l’avoir empoisonné. La veuve de Yasser Arafat, Souha Arafat, a déposé plainte en ce sens, mais elle a été rejetée par les tribunaux français et par la Cour européenne des droits de l’homme.