Des savons parfumés, d’autres naturels, d’autres dits aux vertus miraculeux pour la peau… Gels douches, savons, shampoings, il y en a dans les magasins, sur les réseaux sociaux, pour tous les goûts, pour toutes les bourses et pour différents usages. Mais, savez-vous que les Arabes ont été derrière la création du savon tel qu’on le connait aujourd’hui ? Remontons le temps et feuilletons le livre de l’histoire pour découvrir la petite histoire du savon, qu’il soit ferme ou liquide, avec qui nous entretenons au quotidien une relation solide. Selon de nombreuses recherches, le savon n’est pas une invention nouvelle. Il date d’environ 4000 ans. La première forme connue du savon a été avec les Sumériens. Il s’agit d’une pâte de savon fabriquée à base de la matière grasse. Sur une tablette sumérienne dans la région de Babylone, les premières indications manuscrites de fabrication du savon ont été trouvées. Des pâtes semblables ont été utilisées à l’époque pour des raisons hygiéniques et esthétiques par les Gaulois, les anciens Egyptiens et les Romains.
Mais, le savon dans sa forme que nous utilisons aujourd’hui a été créé par les Arabes qui ont été les premiers à mettre au point un mélange d’huiles végétales, d’oxyde de sodium et d’aromates comme le thym, réussissant à fabriquer des savons plus durs et plus fermes.
Alep et son plus vieux savon
Parmi les célèbres savons de l’époque le savon d’Alep qui a été élaboré, à l’origine, dans la ville d'Alep il y a 3.500 ans. Il est considéré comme le plus vieux savon du monde, précise les études.
La méthode de fabrication de ce savon est « détaillée dans le plus célèbre traité de médecine arabe du Moyen-âge, le Kitab al-Mansouri fi al-Tib (Le livre sur la médecine dédiée à Al Mansur). Dédié au gouverneur de l’actuel Iran, il est rédigé par Al-Razi, médecin, naturaliste, philosophe et alchimiste persan. Dans cet ouvrage, sont décrits les chaudrons en cuivre dans lesquels boue un mélange d’huile d’olive, de soude et de cendres de laurier et d’eau. Les blocs de savons sont ensuite séchés 12 mois au soleil. C’est d’ailleurs de la langue arabe que provient le terme alcali, Al-qali », souligne les études.
Des savonneries traditionnelles adoptant la recette d’antan et où le travail se fait manuellement continuent jusqu’aujourd’hui à fabriquer ce célèbre savon qui a fait la renommée d’Alep, cette ville syrienne multimillénaire. Tant de savons sur le marché avec une étiquette mentionnant « Savon d’Alep » ? Attention aux arnaques !
Savon de Naplouse, patrimoine menacé
Composante essentielle du patrimoine palestinien, et témoin du savoir-faire des savonniers de Naplouse, le « Savon de Naplouse » est aujourd’hui menacée de disparition. Un savon exceptionnelle avec comme élément phare : l’huile d’olive.
Dans son ouvrage « Ville et patrimoine en Palestine, une ethnographie des savonneries de Naplouse », l’anthropologue Véronique Bontemps décrit ainsi les savonneries de Naplouse.
« L’industrie du savon à l’huile d’olive a occupé une place privilégiée dans l’économie de la ville de Naplouse. Production artisanale et villageoise traditionnelle, la fabrication de savon est devenue une industrie citadine qui connut son apogée au tournant du XXe siècle, contribuant à la richesse et au prestige des grandes familles de propriétaires. Aujourd’hui, malgré son déclin, le savon de Naplouse reste un symbole et un marqueur essentiel de l’identité de la ville ». L’ouvrage est le résultat d’une enquête ethnographique menée de 2004 à 2007 dans la Naplouse de la seconde Intifada où la chercheuse a raconté non seulement les savonneries mais le vécu dans cette ville Palestine.
« À travers la description du petit monde de la savonnerie, elle aborde les difficultés d’une industrie locale en période de crise, les usages actuels de « leur » savon par les habitants de Naplouse (ou par ces nouveaux acteurs du patrimoine que sont les ONG), les mutations de la notabilité citadine, les savoir-faire et mémoires ouvriers, ou encore les recompositions des critères de la grandeur familiale en Palestine. Dans le contexte de bouclage des Territoires palestiniens occupés, on découvre les réalités d’un quotidien marqué par l’enfermement et la contrainte, mais également par l’inventivité et les pratiques de débrouille », lit
-on sur le site des éditions Karthala, maison d’édition française spécialiste de l’histoire et de la géopolitique des pays en développement, qui a publié cet ouvrage.
Reflet d’un savoir-faire ancestral, porteur de quelques feuillets de l’histoire de cette ville palestinienne, de ses oliviers, de sa mémoire, le savon de Naplouse est également un symbole de résistance.
Imen ABDERRAHMANI