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Tunisie-Candidats présidentielle- Sérieusement vous y croyez le peuple ? Par Soufiane Ben Farhat

C’est désormais un rituel presque hebdomadaire. Les annonces des candidatures à l’élection présidentielle, prévue l’automne prochain sous nos cieux, se succèdent. De prime abord, cela rassure. En premier lieu parce que les deux tours respectifs des élections législatives et régionales de 2022 et 2023 ont été marquées par des taux d’abstention record. Cela est dû en fait à la profonde aversion des Tunisiens pour tout ce qui se rattache au Parlement du fait des incuries et scandales qui y ont eu lieu aux lendemains des législatives de 2014 et de 2019. A relever que la plupart des candidats d’aujourd’hui avaient ouvertement appelé au boycott des élections législatives régionales. Du coup, et étrangement, la participation rapplique au galop. C’est dire si l’élection présidentielle, quant à elle, promet de réconcilier les électeurs avec les urnes.

En second lieu, cette élection augure, quoique de manière raisonnée, de la réconciliation du commun des Tunisiens avec la politique. En effet, le discrédit de la classe politique tunisienne, toutes instances confondues, est tel que le citoyen lambda redoute la politique politicienne comme la peste. Et il le fait savoir de surcroît.

Reste à savoir si ce n’est pas réciproque. En effet, ceux qui s’adonnent à la politique ne cachent guère, en temps normal, sinon leur aversion, du moins leur indifférence vis-à-vis du peuple.

Juste retour de manivelle

Soyons clairs. Le travail politique ne saurait être réduit à sa seule dimension électorale. Encore que les élections sont un peu comme la cerise sur le gâteau. Elles présupposent tout un travail bien creusé en aval de la dernière élection et en amont de la prochaine. Pour cela encore faut-il avoir l’ ADN politique préalable.

Or, sur la place politique tunisienne, il y a beaucoup de ruines, de cadavres et de débris. En effet, après l’euphorie des lendemains immédiats de la révolution de 2011, on a enregistré la fondation de plus de 230 partis politiques. Dans leur écrasante majorité, ils se sont avérés des machines électoralistes en vue du captage des postes et des dignités. Et une fois cette dimension satisfaite ou vaporisée, ils se sont mués en des coquilles vides.

Des partis sans militants de base, sans direction élue, sans activités de mobilisation et sans propagation dans les larges masses, ça existe à foison chez nous. Le peuple, qui n’est pas dupe, leur a carrément tourné le dos. Et ce n’est qu’un juste retour de manivelle en quelque sorte. Le peuple est en effet désabusé par les promesses non tenues, l’enrichissement sans cause des politicards de la dernière heure, la corruption politique, la collusion et l’imbrication entre les politiciens et les hautes sphères de la mafia, de la contrebande et même du terrorisme.

La galaxie des fantaisistes

N’empêche, les politiciens semblent croire dur comme fer que le peuple est amnésique. Et étrangement, ils donnent l’impression de reprendre langue avec le peuple. Chaque nouveau candidat en fait les éloges et n’en finit pas de cajoler le peuple. Il désigne le chaos et il se présente en héros salvateur.

Cependant, nous sommes en droit de leur demander : “Sérieusement, vous y croyez le peuple ?” En effet, le seul décompte du nombre des candidatures fantaisistes annoncées jusqu’ici démontre que le peuple, précisément, ils s’en soucient comme d’une guigne. C’est le dernier de leurs préoccupations en quelque sorte. L’essentiel, à leurs yeux, c’est d’en solliciter ou quémander les voix. Abusivement au besoin. En place et lieu de l’éthique, ils consacrent le règne de la vénalité politique.

D’ailleurs, nombre de ceux qui se présentent aujourd’hui se sont déjà présentés aux élections présidentielles de 2014 ou 2019, sinon aux deux. Et leur escarcelle n’avait alors ramassé que quelques centaines sinon quelques minuscules et marginaux milliers de voix. Et le pire, c’est qu’ils se représentent comme si de rien n’était. Aucun d’entre eux n’a fait son aggiornamento ni n’a changé son modus operandi. On ne change pas une équipe qui perd en quelque sorte !

Autre tare et non des moindres, l’infinie dispersion des candidatures. J’ai beau chercher, je ne vois pas d’appel ou d'initiative de tenue de primaires en vue de sélectionner le meilleur. Et cela est valable tant pour les séides du pouvoir que pour l’opposition. Il faut y ajouter les candidatures indépendantes. Cela contribue au morcellement de l’électorat et donc au partage démocratique de la défaite assurée.

Degré zéro de la propagande

Ceci côté formel. Côté contenu, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Personne n’avance un programme clair, net et précis. Tout au plus des promesses généreuses et des envolées lyriques non moins magnanimes. De sorte que slogans et mots d’ordre creux et vagues se télescopent dans l’arène réduite aux seuls réseaux sociaux. Sous le label du degré zéro de la propagande et du triomphe des fake News en prime.

Certains en sont venus à créer de toutes pièces un institut de sondage d'opinion imaginaire. Ils y pianotent à loisir et envoient leurs sondages aux médias régulièrement depuis trois mois. Vérification faite, ces instituts sont de la pure fiction. Leur but est de créer un climat d’opinion favorable à tel ou tel candidat soutenu en sourdine. Là encore, on fait peu de cas du peuple, réduit en l’occurrence aux yeux des pseudo-politiciens à un troupeau de moutons de Panurge.

Voltaire, l’incomparable Voltaire, avait déjà épinglé et raillé ces faux manœuvriers pour qui “le peuple ressemble à des bœufs, à qui il faut un aiguillon, un joug et du foin”.

S.B.F

 

 

 

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