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Chronique j’ai lu par Amna Atallah Soula : EL ANDALOUSSIA (l’Andalouse) de Hassanine ben Ammou

         Eté 1610, pas un brin d’air, pas une seule vague, pas un seul mouvement du bateau qui transportait les Mauresques juifs et musulmans qui fuyaient les persécutions des envahisseurs chrétiens. Ils viennent de quitter terre et biens comme des importuns.

         Pas un seul souffle dans l’air, femmes, enfants, vieillards et hommes tous suffoquaient, écrasés, en plus, par le chagrin. A la tombée de la nuit, l’humidité accentuait la chaleur et rendait l’atmosphère étouffante. Une toute jeune(18ans) et belle andalouse du nom de Khouana, voulant se soulager, eût l’idée d’aller vers un endroit caché. Mais que ne fût son malheur et sa détresse ! En plus d’être dépouillée du peu de biens qu’elle cachait sur elle, elle fût victime de viol par un rustre matelot.

         Voici enfin arrivés au port de la goulette ; mais il fallait se munir de patience avant de mettre pied sur la dure ! Trop de bâtiments déversaient, dans ce port de guerre, grand nombre d’exilés aux échines courbées, pour avoir quitté cette Andalousie et fort d’autres choses, qu’ils pleuraient à chaudes larmes. Dans ce roman Ben Ammou décrit avec minutie leur errance et particulièrement celles des femmes.  

         A leur arrivée, Khouana et son amie Isadora découvraient étonnées, en ce 17èm siècle, un port en ruine. Les Turcs avaient déclaré plusieurs guerres dans ce port contre les Espagnols. Ils détruisaient remparts et forts pour annihiler les traces de Charles Quint. Il voulait faire de la Tunisie une terre de la chrétienté en Afrique du Nord. En attendant, le port de la Goulette apparaissait à ces exilés du Nord, sous l’aspect d’une vaste aire d’épars tumulus et gravats, dégageant des odeurs nauséabondes. L’auteur souligne ainsi, la première impression que donnait la Tunisie à ses Andalous venus du nord de la Méditerranée.

         Hassanine Ben Ammou, comme de coutume, ponctue son roman de récits historiques et de fortes descriptions des évènements qui se produisaient en ce 17èm siècle. Dans <<l’Andaloussia>>, il parle des deux Deys de cette époque : Othman le brave et Youcef Dey. Les Deys dirigeaient la Tunisie suite à la chute des Hafsides. C’est Sinan Pacha qui donnait ces titres aux commandants de son armée en Tunisie. En partant, il les laissait diriger le pays.

 Constamment, de vifs antagonismes, rivalités et luttes opposaient ces Deys, jusqu’à l’arrivée de Othman Dey. Il avait décimé, avec forte poigne, les conspirateurs et les concurrents. Sa fermeté, sa violence et dureté ne l’avaient pas empêché d’être, en même temps, d’une grande bravoure. Lui-même exhortait la venue des Hispano-Mauresques en Tunisie. Il se déplaçait au port pour leur souhaiter la bienvenue. Car, ils savaient pertinemment qu’ils étaient d’habiles artisans, des travailleurs de grande volonté et parmi les meilleurs commerçants de ce temps. Des attributs qui ne pouvaient qu’aider au développement du pays sur lequel il régnait.

         Khouana et son amie Isadora avaient atterri dans une grande demeure devenue mausolée. Ce fût un lieu chaleureux. Il était mis à la disposition des femmes exilées comme centre d’accueil. Son propriétaire était le Cheikh sidi Abilghith el Kachèch, un vieux d’une grande piété. D’ailleurs Othman Dey, qui servait dans l’armée turque, était en même temps au service du Cheikh. Il lui avait prédit son glorieux avenir. En 1611, à son lit de mort, Othman désignât Youcef comme Dey pour lui succéder.

         Les Hafsides, durant leur règne, avaient urbanisé les villes en Tunisie. L’auteur a fait de sorte que nous suivons les évènements du roman tout en circulant dans Tunis et ses environs ; comme si c’était aujourd’hui. Les personnages se déplacent de Halfaouin pour aller à Bâb souika, ou de l’Ariana à Bâb el Khadhra, ou de Lahfir à el Biga…sans oublier Essabaghine ou Otman dey a construit sa modeste mais belle maison.

         Sa vie a chaviré, Khouana ne pouvant même plus s’accrocher à son passé, elle s’égarait, tout s’était évaporé même les amitiés. Elle fût empruntée d’être un dé dans un jeu d’espionnage qu’elle abhorre. Malgré le désespoir, sans soutien ni recours dans un monde sans compassion ni miséricorde, elle se ressaisissait et trouvait la force de jouer son propre jeu évinçant toute torture de l’esprit et de l’âme.

         Ben Ammou ne s’est pas ménagé dans cet écrit. Il a présenté diverses figures d’êtres humains. La vieille qui avait prodigué soins et conseil à Khouana a bien di<<que les gens ne sont nullement différents de la mer, il peut vous trahir à tout moment>>. L’auteur se lance par moment, vers des discours revanchards et des cris sourds de révoltes.

         Ce qui gagne et accroche le lecteur à cet écrit historico-romancé est en partie, le suspens d’un roman d’espionnage. Ce que veut nous dire l’auteur : les Andalous atterrissaient chez nous, ramenant certes, leur savoir-faire, leur savoir- être ; mais aussi leurs énigmes et leurs problèmes. Ceux d’entre nous d’origine andalouse auront, entre les mains, un ouvrage très intéressant. Il leur donne une idée, certes, plus riche en informations, sur l’arrivée de leurs ancêtres sur cette  terre accueillante qu’est la Tunisie.                                

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